Microsoft word - acte soigne mon corps 2008.doc
Ci-après, les textes remis par certains des conférenciers du colloque de mai 2008
Ce document est réservé exclusivement aux participants du congrès.
Claude SERON : introduction au congrès
Isabelle CALMANT : la prise de conscience par le mouvement, outil de clarification et de
modification de l'image de soi.
Véronique GODDING : « Le petit m'a encore fait une belle crise » : comment gérer les dimensions
psychologiques et sociales des maladies respiratoires de l'enfant
Marc SHELLY : Aspects cliniques des effets à long terme de l'abus sexuel précoce et amorce de
résilience.
Violaine DE CLERCK : Le corps : aux sources de l'affectivité
Samira BOURHABA : Grandir sans dire ? Les limites de la mise en mots dans l'accompagnement des
victimes d'abus sexuels.
Vinciane DESPRET : Ce que peuvent les corps
Autres références :
Patrick LEMOINE : livre « Le mystère du placebo »
Odile Jacob, Paris, 1996
Thierry JANSSEN : nombreux livres édités
Voir site www.thierryjanssen.com
Bernard DECONNINICK : pas de notes spécifiques (exposé de cas cliniques)
Voir site de la société belge d'ostéopathie SBO.BVO www.osteopathie.be
Soigne mon corps . ma tête est malade – Colloque – Liège - 22 et 23 mai 2008
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Introduction au colloque :
Préoccupations anxieuses à propos de l'image du corps chez les adolescents
très carencés
CLAUDE SERON
Directeur de Parole d'Enfants
L'adolescence, une crise de maturation
Si l'adolescence est une crise de santé, une période tremplin, un marche-pied pour faciliter l'accès à
l'âge adulte, comment discriminer les conduites invalidantes de celles qui font partie d'un processus
de maturation avec essais et erreurs ; faut-il y répondre par une clinique de l'adolescence ?
Les crises identitaires et d'appartenance caractérisent l'adolescence. La crise de l'identité est
provoquée par ces processus de transformation qui donnent à l'adolescent le sentiment d'être
toujours le même, tout en devenant un autre. Ces transformations somatiques entraînent des
réaménagements psychiques : « Quel genre de moi-même vais-je devenir demain ? Quelle est la
partie en moi qui va s'imposer ? Est-ce celle que j'aime le moins en moi ? Ou celle qui ressemble à
ma mère, à mon père ? ». Plus l'adolescent lutte pour faire disparaître la partie qu'il aime le moins en
lui, plus elle s'impose à lui. Dès lors, comment trouver des aménagements pour cohabiter avec cette
partie ?
La crise d'appartenance, quant à elle signifie que l'adolescent remet en question la dimension
inclusive de sa famille : « Je ne vous dois rien, je n'ai pas demandé à naître. Je ne fais plus partie du
Benjema clan » criait un adolescent à ses parents.
Le groupe des pairs, le groupe des copains constitue souvent le premier contenant qui ait une
fonction auto-thérapeutique. Se sentir compris, s'investir dans un combat politique, participer aux
activités d'un mouvement de jeunesse, fumer du haschisch en groupe, sortir en bande et dessiner
des tags sur les murs, les portes de garages ou les wagons de chemin de fer ont bien une fonction
d'anesthésie de l'angoisse. Les conduites à risque durant l'adolescence concernent pratiquement
tous les jeunes. Les transformations de son corps mettent à l'épreuve l'adolescent qui, à son tour,
met à l'épreuve son corps (à travers les tatouages, les piercings, les coiffures originales et
audacieuses, les scarifications, les conduites suicidaires)1. À travers le déni du risque encouru, le
jeune flirte avec des sentiments de surpuissance, en même temps qu'il peut se sentir abandonné par
ses parents et les adultes en général, si ceux-ci feignent de ne rien voir. Même s'il transgresse et s'il
conteste, il éprouve le besoin de vérifier qu'il appartient toujours à sa famille, à son école, à sa
communauté. Si la règle s'efface face à son besoin de transgresser, alors il en conclut que les adultes
sont indifférents à ce qui peut lui arriver.
L'adolescence est aussi un tournant dans la manière de vivre et d'exprimer ses attachements. Le
jeune supporte moins les contacts physiques avec ses parents. L'explication est à la portée de tout
parent qui, même s'il en est affecté, la comprend aisément : à partir du moment où il devient nubile,
l'adolescent a besoin de s'éloigner physiquement de ses parents pour apprendre à désirer ailleurs.
C'est l'âge où l'affection se manifeste à distance, par l'estime et le respect2. L'ado doit apprendre à
1 Jean-Paul Mugnier, journée d'étude sur les conduites à risques chez les adolescents, organisée par l'association « Parole d'Enfants » à Liège, 2002. 2 Maryse Vaillant, Il m'a tuée, Paris, Éditions de la Martinière, 2002.
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aimer autrement. Son père, sa mère, il l'aimait à travers un processus d'attachement exclusif, c'est-à-
dire qui exclut tout processus sexuel.
Aujourd'hui, il y a un processus de dégagement à opérer : il faut apprendre à aimer d'une autre
manière.
A quels adolescents voulons-nous nous arrêter dans cet exposé ?
Je veux m'intéresser plus particulièrement aux jeunes gravement carencés dont les problèmes
d'adolescence ont été largement préparés par les manques antérieurs, à ces enfants qui ont souffert
d'un manque de stimulations autant sensorielles que cognitives, qui ont manqué de manipulations
enveloppantes, de caresses bienveillantes.
Chez les ados carencés, l'aspect physiologique nous paraît prendre une importance particulière.
Ils expriment des préoccupations à coloration hypocondriaque concernant de multiples ennuis gynécologiques réels : « mal aux ovaires », règles mal installées, maux de dos etc. Une éducatrice d'un foyer pour adolescentes me confiait dernièrement que 80 % des jeunes filles hébergées voyaient le médecin traitant de l'institution toutes les semaines. Les plaintes et demandes répétées de vérifications médicales sont aussi à mettre en relation avec les possibilités de dialogue et de soin offertes par les adultes.
Pourquoi ce sentiment si vif d'être mal foutu chez ces ados ? 1ère réponse évidente : on ne peut s'aimer soi-même, s'accepter soi-même, que si l'on a été autrefois aimé et accepté. Or que s'est-il passé dans l'histoire de ces ados ?
- Beaucoup ont eu des parents défavorisés, souvent très jeunes ou au contraire âgés, des
parents qui ont conçu les enfants dans le hasard, la grande précarité ou le refus ;
- Les difficultés psychologiques, sociales et économiques de la famille sont telles que le
maternage a été très lacunaire et que les placements multiples n'ont rien arrangé ;
- L'insécurité, l'angoisse, la discontinuité dans les liens et les éventuels autres mauvais
traitements ont été fréquents dans la petite enfance ;
- Le jeune enfant, totalement dépendant de son parent pour sa survie s'est attribué la
responsabilité de la défaillance parentale et a intériorisé une mauvaise image de lui : c'est parce que je ne suis pas aimable qu'on ne s'occupe pas de moi.
Les ados se sont donc construits, en référence à ces conditions de vie, une image d'eux-mêmes fortement dévalorisée, négative et plus spécifiquement une image corporelle de « non-aimé ».
- Corps qu'on a laissé mariner dans les couches sales - Corps qu'on nourrit distraitement au milieu des tensions et des cris - Qu'on ne berce pas faute de temps - Qu'on gave d'eau sucrée quel que soit le besoin exprimé à travers les pleurs - Qu'on frappe quand on est exténué parce qu'il refuse de s'endormir - Qu'on n'embrasse jamais ou qu'on étouffe - Qu'on tourne en dérision dès qu'il grandit, prend des formes et commence à s'affirmer.
Aucun regard ne les ayant investis, ni gratifiés, ces enfants ne se sont ni investis, ni gratifiés eux-mêmes. L'enfant va alors développer deux mécanismes que l'on retrouvera chez l'adolescent abandonnique et délinquant : dans la réalité, le sentiment de ne rien valoir ; dans le fantasme, une toute puissance mégalomaniaque. Un mouton apeuré dans une apparence de loup effrayant. Cette contradiction
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interne n'est pas sans rapport avec l'alternance, et parfois la simultanéité de comportements très dépressifs et de passages à l'acte agressif. Nous allons y revenir en parlant des ados, auteurs d'agressions sexuelles. Parmi différentes problématiques où le corps est mis à l'épreuve, comme dans les troubles alimentaires, les conduites à risques, l'agressivité dirigée vers soi-même ou vers les autres, en relation avec notre pratique à Kaleidos, je vais poursuivre mon exposé en parlant du lien qui existe entre les carences affectives et les conduites sexuelles problématiques. Dans l'histoire de beaucoup d'adolescent(e)s abandonniques, on découvre un nombre relativement important d'agressions sexuelles souvent perpétrées par un proche ou par un ou plusieurs adolescents connus. Intéressons-nous d'abord aux auteurs d'infractions à caractère sexuel. Chez eux, on décèle un déficit d'empathie. Parmi les agresseurs, deux catégories d'ex-enfants sont sur-représentés : des jeunes qui ont été maltraités et traumatisés ; ils ont emmagasiné en eux des sentiments d'injustice et d'humiliation qui ressortent sous forme de colère à l'encontre d'enfants ou d'adolescents accessibles et vulnérables. Dans l'autre catégorie, on trouve des adolescents qui ont été gravement négligés : leur nombre est en nette augmentation ces dernières années. Cette négligence qui laisse les enfants livrés à eux-mêmes provoque d'autres formes de traumatismes invisibles, des déchirures insidieuses qui délabrent profondément et provoquent un retard de développement de l'empathie. Nous reconnaissons aisément les adolescents qui sont nés dans des milieux très précaires, très marginaux, avec des parents qui eux-mêmes ont eu un dossier au Tribunal de la jeunesse, qui ont été placés dans 36 institutions différentes desquelles ils se faisaient régulièrement rejeter à cause de leurs comportements violents. A 15 ans, leur ado a parfois déjà fait une dizaine d'institutions et il porte les stigmates de l'enfant gravement carencé. Quelle que soit l'étiquette qu'il porte ( enfant difficile, caractériel, souffrant de troubles du comportement et du caractère, délinquant, violent, borderline, dangereux, jeune à l'interface entre la psychiatrie et la justice), quand nous prenons connaissance de son histoire, de celle de ses parents, de ses grands-parents, nous découvrons un monde de carences et de moyens très limités pour s'adapter à la souffrance. Les agressions sexuelles dont certains de ces adolescents sont les auteurs viennent s'inscrire dans un continuum d'états dépressifs. Ces vécus dépressifs s'accentuent quand ils se sentent incompris, injustement traités, humiliés, rejetés, en échec dans l'établissement de relations intimes. Ils se vivent comme des moins que rien et ils ont la haine. Alors, l'agression d'un plus jeune, d'un plus faible associée à des erreurs de pensée revanchardes du type « Je vais leur montrer moi de quoi je suis capable ! » ou « Je vais me prouver à moi-même que je ne suis pas une mauviette ! » et bien cette prise de pouvoir sur un autre contribue à une reprise de l'estime de soi. Ces adolescents se soignent ainsi de leur sentiment d'impuissance et de faible estime d'eux-mêmes. Par contre, il existe d'autres adolescents carencés qui font moins de bruit et pour lesquels les professionnels n'ont pas été sollicités jusqu'à ce que l'on découvre les faits d'abus sexuels qu'ils ont commis. Ceux-ci également se caractérisent par un déficit d'empathie lié à une négligence affective. Ils n'ont pas subi de violence physique ou sexuelle mais ils sont souvent seuls ou avec les potes de la rue qui eux aussi rentrent très tard : pas de parole, pas d'environnement, ils ne sont pas vraiment malheureux, mais mal entourés. La rue, le Net, la télé et le frigo. Le père et la mère, oui, ils sont là de temps en temps.
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Passer des heures tous les jours sur le net sans aucune supervision d'un adulte attentif les plonge dans une situation à risque. La poussée pubertaire amène beaucoup de questions, de préoccupations, de curiosité et d'angoisse. L'expression de la sexualité procède de conditionnements très puissants. Voir défiler quotidiennement des centaines d'images où le sexe est continuellement associé à la violence et à la négation de la dignité humaine finit par organiser une vision du monde où toute transgression devient banale et où le jeune ne s'étonne plus de rien. De plus, comme je l'ai dit, cette confusion des repères vient s'inscrire sur un terrain affectif déjà fragilisé. Ces enfants n'ont pas été entraînés au quotidien aux apprentissages que nous faisons à notre insu. Par exemple, tous les bébés font l'exploration du visage de la mère ou de la personne qui les porte dans les bras. Par exemple, ils poussent leurs doigts dans les narines de l'adulte, dans ses oreilles, tire la barbe et les cheveux ; cela dépend de ce qu'il reste à disposition. Une petite raideur du corps de l'adulte, accompagnée d'un froncement de sourcils, leur apprend qu'ils ne doivent pas enfoncer leur doigt dans les yeux de leur mère. Ils savent très vite, dès l'âge de 10 à 15 mois, qu'ils ne peuvent pas tout se permettre. Ils peuvent jouer et faire beaucoup de choses mais pas tout. L'interaction affective, ponctuée de paroles et de petites mimiques leur apprend à se mettre un frein. Or les enfants négligés n'apprennent pas ce processus comme les enfants bien entourés. Quand ils entrent dans l'adolescence, ils ne sont pas entraînés à se représenter le monde mental de l'autre et à en tenir compte. Les pulsions sexuelles arrivent : ils sont plus forts que les filles alors ils se servent, ils passent à l'acte. « Ce n'est pas grave ! » disent certains d'entre eux, ils ne se représentent tout simplement pas le préjudice qu'ils causent à l'autre. S'ils sont interpellés par rapport aux actes qu'ils ont commis, c'est d'abord des conséquences négatives pour eux-mêmes dont ils se plaignent : avoir du passer 2 heures au poste de police, être obligé de prester des heures de travaux d'intérêt général, avoir été placé en IPPJ. Ces adolescents, auteurs d'infractions violentes ou à caractère sexuel souffrent d'un déficit de l'empathie dû en partie à de la négligence affective dans les interactions quotidiennes. Pour ne pas verser dans la diabolisation, il convient de regarder ces jeunes comme des adolescents dont les conditions de développement ont été gravement compromises et nécessitent donc qu'elles soient rapidement restaurées.
Voyons maintenant les problèmes que peuvent vivre des jeunes filles au vécu d'abandon en relation avec la sexualité inadéquate qui leur a été imposée. Cela se manifeste essentiellement de deux manières : l'inhibition de la sexualité et les conduites sexuelles débridées. Parmi les adolescentes qui se retrouvent itinérantes en institutions, nombreuses sont celles qui partagent des vécus communs. Chez elles, l'éveil d'une sexualité précoce est lié au fait d'avoir été utilisée comme objet fétiche par un adulte non respectueux qui a induit chez elles un lien entre le fait d'abandonner son corps et recevoir de l'attention, de l'affection ou de la pseudo-affection. Les relations sexuelles peuvent être précoces, voire multiples. Certaines changent régulièrement de partenaire. L'absence de plaisir est fréquente. Il ne s'agit nullement d'une sexualité assumée, mais d'un mode de défense contre l'abandon, contre le sentiment de n'être rien, de ne rien valoir. Etre l'objet d'un désir, c'est être au moins fugitivement quelque chose pour quelqu'un. Pour qui ne s'est jamais senti aimé, l'amour de n'importe qui, n'importe comment, pourvu qu'il dure un peu, c'est déjà ça. Et bien sûr, l'expérience est à répéter, sur un mode compulsif, le plus souvent, la quantité remplaçant la qualité. D'autres ont besoin de séduire et de prendre très rapidement l'initiative de la rupture comme si cela leur prouvait qu'elles peuvent retrouver une maîtrise, un pouvoir dans un domaine où elles ont été réduites à l'impuissance, pendant les abus subis. Elles essayent de transformer la position d'objet du désir de l'autre en actrice qui gère activement la relation : « Je peux susciter l'excitation des autres sans y participer ». Elles se reconnaissent cette compétence-là : séduire les mecs. L'échec de leur quête affective débouche sur l'ancrage de la conviction de ne rien valoir, d'être moche, frigide ou salope ; en tous cas considérées comme telles, comme de « mauvais objets ».
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Quand, au contraire, elles se font rejeter par le petit copain, elles sont aussi confortées dans leur image de mauvais objet, de non-personne ; sentiment qu'elles cherchent à atténuer en créant aussitôt une nouvelle relation. Elles se trouvent ainsi coincées dans un double piège : « Sans mec, je ne suis rien ; avec un mec, je suis encore moins ! » (Claude Martin) La violence de certains traumatismes sexuels subis, associée à des sentiments de honte et de culpabilité, rend ces traumatismes indicibles : «Qui pourrait entendre ce qui m'est arrivé ? Si je le lui dis, que va-t-il (elle) penser de moi ? » «Va-t-on m'accuser de m'être laissée faire ou de l'avoir bien cherché, de n'avoir rien dit ? ». Pour ces enfants blessés, l'enfance n'est pas le temps de l'insouciance mais bien le temps de l'espérance que ce qu'ils ont subi ne se sache jamais. L'impossibilité de trouver un tiers qui aide à symboliser, à mettre en représentations, amène l'enfant ou l'adolescente à enfermer son secret à l'intérieur d'elle-même. C'est là qu'il va poursuivre son action corrosive. Le
traumatisme va alors s'exprimer sur l'autre scène, celle du corps, à travers des expériences répétées.
On parle de mise en actes de ce qui ne peut être mis en mots. De la même manière que la répétition
des cauchemars thématiques pourraient avoir pour fonction d'atténuer la charge émotionnelle liée à
l'expérience douloureuse non métabolisée, la redramatisation sur la scène du corps pourrait
poursuivre le même objectif inconscient.
Quant aux grossesses à l'adolescence, elles ont parfois pour fonction de rassurer l'adolescente sur le
fait que son appareil génital fonctionne encore après les viols qu'elle a subis ou alors, pour fonction,
de remplir ce grand vide existentiel qui l'habite. Les premières réclament aussitôt l'avortement car
l'état de grossesse n'a rien à voir avec le désir d'enfant, tandis que les secondes s'accrochent à leur
projet de maternité, cette ultra-solution à tous leurs problèmes, quels que soient les conseils de
l'entourage qui peut craindre pour l'enfant à venir ou plus souvent trouver là un espoir de
stabilisation pour l'adolescente, qui jusque là avait une vie très dissolue et effrayante. Cette
grossesse providentielle peut aussi apparaître comme une belle opportunité de réunification de
l'ensemble de la famille, jusque là disloquée.
Quel va être notre mouvement dans les approches psycho-socio-éducatives ?
Très concrètement, il s'agit d'abord d'aider l'environnement du jeune à se réorganiser pour recréer
du lien stable et prévisible autour de lui.
Notre souci est d'associer les parents au projet afin qu'ils soient plus à même d'offrir des repères
fiables à l'ado. Nous voulons aussi les associer à un questionnement permettant de construire un
récit intelligible et ré-humanisant des comportements des uns et des autres afin que le jeune puisse
se sentir reconnu, légitimé dans ce qu'il ressent et qu'il puisse se réconcilier avec l'histoire
douloureuse, commencée bien avant sa naissance et dans laquelle il est venu s'inscrire. En effet,
pour pouvoir recycler la violence liée à la honte et aux souffrances endurées, il faut pouvoir s'inscrire
dans la lignée de ses parents (travailler sur la dette et le don, le fantasme de réparation dirait Maryse
Vaillant.)
Comme le dit Yves Ranty, notre travail psycho-socio-éducatif avec des adolescents qui ont été
fortement carencés vise à un amortissement de la résonance émotionnelle des affects douloureux.
Moins l'enfant a eu l'occasion de verbaliser ce qu'il a subi, plus il devra lutter contre les idées
dévalorisantes et culpabilisantes, toutes ces pensées intrusives qui continuent à faire mal.
Bien sûr il existe des obstacles à ce travail d'élaboration :
Les abandonniques se sentent très seuls, par la force des choses, ils sont devenus autarciques, ils ont
appris à ne compter que sur eux-mêmes. Même s'ils sont très avides d'attention, ce n'est pas évident
qu'ils acceptent de se laisser aider dans la durée. Une autre difficulté associée que tous les
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professionnels de l'aide à la jeunesse et de la santé connaissent, c'est ce besoin qu'ont ces adolescents de mettre à l'épreuve, sans cesse la fiabilité du lien. La fidélité à l'enfant, à l'adolescent est donc un ingrédient essentiel du travail avec lui. Cependant la question de la manière reste entière. Obliger l'ado à faire un travail introspectif, le mettant dans ses contradictions, le confrontant à ses ambivalences est souvent vécue comme une démarche persécutrice et à raison. Etre positionné comme patient qui aurait besoin de soins lui est aussi insupportable. Dès lors quelle perspective adopter pour l'accompagner ? D'abord, je veux dire que la propension de l'adolescent abandonnique à « passer par le corps » pour exprimer ce qu'il a à dire nécessite de décrypter sa demande, mais ne nous dispense pas de la prendre au 1er degré. Claude Martin parlait de la nécessité de surgratifier, de survaloriser le jeune afin de combler les manques anciens et valoriser ce qui est dans le présent. Il faut donc aller au-delà du simple compliment, de la simple valorisation. La survalorisation, la surgratification, essayent de donner un maximum de valeur à ce qui est produit sans s'interdire la critique, afin d'établir la possibilité d'un progrès. La surgratification porte sur les potentialités intellectuelles et créatives du jeune et est d'ordre relationnel et affectif. Renvoyer à l'ado qu'il a des qualités particulières qui n'appartiennent qu'à lui et qui en font un objet d'amour singulier et non comparable, non assimilable aux autres.
Surgratifier, c'est aussi valoriser le corps, son image.
Surgratifier le corps, c'est pouvoir discuter pied à pied les sentiments, en général non fondés de
dysmorphophobie. Ce sentiment d'être « mal foutu », que connaissent tous les adolescents mais
particulièrement ceux qui se sentent mal aimés, ceux pour qui avoir un trop grand nez, des oreilles
décollées, un long menton ou des hanches trop larges, prend une importance amplifiée. Chez eux, il
ne s'agit pas seulement d'un déplacement à l'adolescence de la peur d'être « incapable
sexuellement » ; il s'agit bien de la peur originelle, et ravivée par la puberté, de n'être pas aimés ou
aimables, dignes de l'amour des autres.
Il est intéressant qu'une approche verbale avec des adolescents gravement carencés inclue la
question du corps, de comment il a été marqué et comment il exprime les difficultés par lesquelles
l'adolescent est passé et passe encore aujourd'hui.
La mémoire corporelle :
Plusieurs auteurs ont développé des approches psychothérapeutiques qui mettent au centre du
travail la mémoire corporelle dans la perspective de libérer le sujet des souffrances somatiques que
son histoire lui impose.
Anne Ancelin, collaboratrice de Ghislain Devroede déclare : « Quand les enfants portent sur leurs
épaules le poids des chantiers non clôturés de leurs parents et ancêtres, ils tombent malades, pas
seulement au niveau psychique mais aussi au niveau somatique. » Son travail consiste donc à
remonter dans les générations antérieures pour comprendre comment les traumatismes se sont
transmis de génération en génération.
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Ce qui n'a pu être dit et élaboré s'inscrit dans la mémoire corporelle et provoque les maladies. La
mémoire corporelle et musculaire ressort à certains moments où le sujet est fragilisé ou à des dates
anniversaires.
Dans ce qui est donné en héritage, on fait la différence entre ce qui est transmis de façon claire et
consciente (être notaire de père en fils, c'est l'intergénérationnel) et ce qui n'est pas conscient (les
suicides à répétition, c'est le transgénérationnel).
Traitements corporels
S'il intègre ce type d'hypothèses, parallèlement au renforcement d'un contexte de vie re-sécurisant,
l'intervenant psychosocial va chercher à utiliser la mise en mots pour atteindre les traces corporelles
du traumatisme. Cependant, ce canal de communication se révèle parfois peu efficient pour libérer
le jeune des souffrances qui le rongent. Rappelons comment l'enfant carencé, dès son plus jeune
âge, a dû apprendre à enfermer ses émotions et ses pensées pour survivre, au point que seul le corps
a pu continuer à s'exprimer. Dans ces situations, les approches visant à augmenter les capacités de
verbalisation et de prise de conscience de l'adolescent peuvent se révéler infructueuses ou
insuffisantes, le jeune paraissant totalement déconnecté de ses émotions, de ses souffrances.
Dans ce cas, peut-on passer par le corps, par le toucher respectueux et autorisé, pour rejoindre cette
béance qui n'a jamais été nommée et qui reste innommable par l'ado lui-même ? Des professionnels
vont-ils pouvoir l'aider à se sentir, prendre conscience de son corps, identifier les morceaux du puzzle
et les remettre ensemble ? Comment réorganiser sa mémoire cognitive et sa mémoire corporelle,
comment les repeupler d'autres objets internes plus nourrissants et apaisants ?
Nombreux sont les cliniciens qui mettent en garde contre le toucher des adolescents, surtout lorsque
leur corps a été inadéquatement touché et utilisé par le passé. Certaines adolescentes, par exemple
victimes d'abus sexuels, sont hyperactives et incapables de se relaxer. Toujours en alerte, en état
d'hypervigilance. S'abandonner entre les mains d'un thérapeute peut augmenter leur niveau
d'angoisse parce qu'il y a perte de contrôle et rappel de la situation de soumission passive
involontaire à quelqu'un qui a profité d'elle.
Cependant, la prise en compte de ces risques ne nous dispense pas d'explorer ces perspectives.
Quels sont les ingrédients nécessaires pour construire un cadre consistant et sécurisant qui mettent
à l'abri d'un retour des sentiments de confusion dans lesquels l'ado a été plongé quand il n'a pas été
respecté ?
Une approche corporelle contenante, rassurante et réunifiante pourrait-elle constituer un « plus »,
une proposition d'aide dont l'ado pourrait se saisir ou pas, sans pression, ni obligation ?
Pour ces jeunes qui souffrent de troubles de l'attention et de la concentration, existe-t-il des
approches non verbales qui leur permettraient d'arriver à se centrer, à regarder à l'intérieur d'eux-
mêmes, se rendre réceptifs et disponibles pour un accompagnement sur le plan corporel ?
La relaxation, l'ostéopathie, la kinésiologie, la somatanalyse … peuvent-elles aider à l'émergence
d'une parole libératrice, jusque là impossible à élaborer. A leur tour, les approches psy et
relationnelles peuvent faciliter un accès à la détente et à une plus grande liberté dans le corps ?
Dans certaines conditions bien définies, énoncées dans un cadre de travail cohérent et pensé, des
approches verbales et non verbales peuvent s'enrichir mutuellement plutôt que de s'opposer. Pour
parvenir à cette complémentarité heureuse, il est nécessaire, entre praticiens d'approches verbales
et non verbales, de se créer un référentiel commun minimal qui permette un échange, sans que l'un
des praticiens ne cherche à imposer sa vision du monde et son discours à l'autre.
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Nous espérons que d'une certaine manière, ces deux journées de colloque vont contribuer à élargir nos horizons respectifs, à prendre conscience de nos limites mais aussi à conjuguer nos forces pour permettre aux adolescents les plus en difficulté de recevoir l'aide dont ils besoin sans être capables de le dire, le demander ou l'accepter.
La prise de conscience par le mouvement
Outil de clarification et de modification de l'image de soi
ISABELLE CALMANT
Kinésithérapeute, Praticienne Feldenkrais
[email protected]
Les troubles fonctionnels et leur prise en charge
modifient les couleurs du paysage physique et psychique.
Tout au long de cette journée, nous avons pu entendre comment les comportements psychique, émotionnel et corporel sont intimement liés, et voir comment le déséquilibre d'un des éléments peut colorer les autres.
Notre quotidien professionnel et privé nous confronte
à ce paysage psychique et physique
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous ne nions pas cette interrelation, mais nous souhaitons y voir plus clair et également trouver des pistes de prise en charge qui intègrent les trois éléments.
Peut-on changer les couleurs du paysage en partant du corps ?
Au cours de cet exposé nous allons essayer de répondre à la question « peut-on avoir une modification du psychique et de l‘émotionnel en partant du corps ? ». « Comment cela fonctionne-t-il concrètement ? »
En élargissant la diversité des gestes, et en observant les inter-relations avec le psychique
et l'émotionnel, le paysage retrouve son équilibre naturel.
Prenons la vignette clinique suivante pour mieux comprendre : Chantal est venue consulter parce que 10 jours auparavant, elle a reçu un coup de téléphone de sa sœur l'invitant à une fête qu'elle organise. Sa sœur lui signale que parmi les invités sera présent l'artiste bien connu Julos Beaucarne. Suite à cet appel Chantal est prise d'angoisse, elle dit se sentir redevenir une petite souris que personne ne remarque et qui est inintéressante. Elle a beau se raisonner, lâcher ses peurs, elle n'arrive pas à se départir de cette impression d'être une petite souris. L'observation de l'organisation corporelle de Chantal fait apparaître un schéma en flexion, antéro-latéral très marqué au niveau des côtes à gauche. Attitude corporelle que Chantal ignore. Durant les séances de prise de conscience du corps, les mouvements choisis permettent à Chantal de découvrir et d'intégrer le répertoire de mouvements que la cage thoracique peut avoir et d'objectiver les sensations que procure un corps qui fonctionne avec une poitrine mobile. Lorsque Chantal sera à la fête, face aux invités, elle pourra percevoir si ses côtes se resserrent. A ce moment, elle aura le choix
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de laisser cette tendance se poursuivre et de retrouver l'émotion de « petite souris », ou de ne pas continuer dans ce type d'usage et de choisir parmi les autres possibilités celle qui correspond le plus à son désir du moment.
La prise de conscience du corps par le mouvement et l'intégration de ce mouvement dans
la fonction fait de nous de bons paysagistes
Ce cas démontre que la prise de conscience du corps en mouvement et l'intégration de ces mouvements dans des fonctions quotidiennes, ont été une étape nécessaire pour restaurer un équilibre naturel entre le corps et la tête.
Expérimentation des mécanismes mis en jeu
lors d'une prise de conscience par le mouvement (PCM)
J'ai choisi de faire de cet exposé une mise en pratique plutôt que de me limiter à la théorie qui la sous-tend. Je vous propose donc de réaliser ensemble une série d'expériences corporelles. Lors de cette mise en pratique vous allez vous retrouver un peu comme une personne voyante à qui on demanderait de comprendre un texte en Braille, l'écriture des non-voyants. Nous n'explorerons donc pas de grands mouvements, mais plutôt l'univers du petit. (…) Si vous êtes prêts, disponibles et
ouverts à cette expérience, je vous demanderai de vous asseoir sur le devant de votre siège. Vous êtes assis sur le devant de votre siège. Mettez les pieds à plat sur le sol et commencez à être attentifs à la façon dont votre bassin est en contact avec le siège… Y a-t-il un côté sur lequel vous êtes un peu plus appuyé ? Vous pouvez fermer les yeux si vous le désirez. Lorsque vous avez clarifié le côté sur lequel il y a plus de poids, ce peut être une toute petite différence. Venez mettre une main en dessous. La paume de la main est sur le siège et votre demi bassin est posé sur le dos de votre main. Si vous ne savez pas quel côté, choisissez-en un au hasard, et venez mettre la main côté paume sur le siège en dessous d'un demi côté de bassin et sentez comment cela influence la position de votre corps. Soyez attentifs même à de toutes petites différences, quel ajustement ce fait au niveau du bassin, des épaules, de la tête, au niveau de votre cage thoracique, de votre ventre, votre dos, et au niveau de la respiration… Est-ce que vous pouvez juste être là à répondre aux questions que je pose, ou êtes-vous en train de penser à toute autre chose ? Enlevez votre main, et de nouveau, sentez comment le corps, les différentes parties du corps se réajuster.
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Faites la même chose, de l'autre côté. L'autre main, l'autre côté du bassin, la paume en contact avec la chaise. Comment le corps s'ajuste-t-il de ce côté ? Percevez si l'ajustement est différent par rapport à l'autre côté. Ne forcez rien, n'obligez pas le côté à faire ce que l'autre faisait. Restez juste dans la perception de ce qui se passe et pas dans le « vouloir changer ». Remarquez juste les ajustements internes qui n'ont rien avoir avec votre volonté. Est-ce que vous bloquez la respiration ? Enlevez votre main et sentez comment le corps tient assis, maintenant. Quelle est la sensation de votre poids ? De votre longueur ?
Générer une réciprocité entre le physique et le mental
• L'expérience du corps permet d'établir un lien avec la réalité
• Une situation corporelle inhabituelle induit un nouvel univers sans références passées
• Les nouvelles sensations et modifications du maintien sont le reflet d'une réorganisation
du système nerveux
Dans ce début d'expérience, vous avez commencé à installer une réciprocité entre le physique et le mental.
- L'expérience que vient de vivre votre corps met en évidence comment là, maintenant, le
ventre, les épaules, la poitrine, la respiration s'organisent pour gérer le déséquilibre induit au niveau du bassin.
- La situation corporelle inhabituelle permet d'être observateur sans jugement puisqu'il n'y a
pas de comparaison possible dans l'immédiat avec quelque chose de connu.
- La posture, le maintien différent du début en position assise ainsi que les sensations
nouvelles sont le reflet que le système nerveux ne demande plus la même chose à la musculature et qu'il y a d'autres relations entre les différentes zones du cerveau.
Revenez à vos sensations corporelles. Et tournez la tête pour aller regarder derrière vous, et revenir. Faites cela quelques fois à une vitesse qui va vous permettre de sentir les mécanismes qui sont mis en jeu pour tourner la tête. Qu'est-ce qui limite votre amplitude, qu'est-ce qui fait que vous ne voyez pas derrière vous ? Est-ce la douleur, l'âge, la non envie de faire le mouvement proposé, la souplesse du cou… Qu'est-ce que c'est ? Cessez cela, et gardez en mémoire vos observations. Commencez à reculer le dos pour que celui-ci se dirige vers le dossier. Restez assis sur le devant de votre chaise, c'est le dos qui recule. Le dos recule puis revient à la position de départ, au milieu. Quelle forme prend le dos ? Réduisez l'amplitude, la vitesse. Ce n'est pas toucher mais aller vers le dossier. Réduisez pour vous permettre de sentir comment le corps s'organise. Donnez une chance aux mécanismes internes de s'adapter et non la force ou le vouloir qui à la moindre inattention vous fera défaut. Venez mettre une main à plat sur la tête (coude dirigé vers l'avant) et l'autre sur votre ventre. Tout en reculant le dos, rapprochez les mains l'une de l'autre, puis revenez. Les mains ne glissent pas. Une sur la tête, l'autre sur le ventre. Sentez comment le dos change de forme lorsque les deux mains se rapprochent puis reviennent. Qu'est-ce que les mains induisent au niveau du dos ? Faites la variante suivante : une main sur la poitrine, l'autre sur le ventre. Comment cette variation modifie-t-elle subtilement le mouvement de la colonne ? Pouvez-vous percevoir ces petites variations ? Si ce n'est pas clair, revenez une main sur la tête et une sur le ventre, puis de nouveau une main sur la poitrine, une main sur le ventre… Faites une pause et sentez comment vous êtes assis maintenant. Venez mettre cette fois-ci, une main sur le ventre et l'autre contre le dos. Commencez à tournez pour toucher le dossier de votre siège, une fois avec un coude puis, une fois avec l'autre coude. Sentez les différences d'organisation pour amener le coude gauche vers le dossier par rapport au coude droit.
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Puis restez avec le coude droit contre le dossier et soulevez alternativement la partie droite du bassin puis la partie gauche. Gardant le coude contre la dossier. Cherchez à faire le mouvement en réduisant la force, la vitesse, l'amplitude afin de percevoir l'organisation corporelle mise en jeu pour ce mouvement. Vous commencez à percevoir ce qui dans votre organisation du moment, aide, ou contrarie le mouvement. Ne cherchez pas à faire lâcher les résistances par la force. Prenez le temps de sentir toutes les parties du corps qui sont mises en jeu. Aident-elles le mouvement ou ont-elles une attitude contradictoire ? Que fait le dos, le ventre, la poitrine, le cou, les épaules, la respiration, les hanches…? Reposez vous un instant. Et percevez les sensations nouvelles que vous avez de votre corps. Comment ces perceptions viennent-elles nuancer l'idée que vous vous faites de votre corps et de ses capacités. Reprenez le mouvement. Une main sur le ventre, l'autre contre de dos. Vous amenez cette fois-ci le coude gauche contre le dossier et vous levez une fois la partie droite et puis la partie gauche du bassin. Comment le dos, la poitrine, les épaules, la tête, le bassin participent-ils dans le mouvement ? Avec quelle qualité ? Comment les différentes parties du corps sont-elles en relation ? Comment les mouvements influencent-ils la respiration ? Laissons cela. Et refaites juste, une ou deux fois, ce mouvement de tourner la tête pour aller regarder derrière vous. Qu'est-ce qui est différent dans l'usage, différent dans l'attention que vous vous portez? Dans quel univers émotionnel êtes-vous maintenant ? Reposez-vous, venez vous rasseoir dans le fond du siège pour ceux qui le désirent.
Comment créer de nouvelles attitudes ?
• Réduire l'intensité des stimuli
• Elargir le répertoire de mouvements fonctionnels
• Utiliser l'ajustement des mécanismes internes et non la force ou la volonté
Pour créer de nouvelles attitudes, vous devez réduire l'amplitude, la vitesse, la force, l'activité mentale. C'est comme pour entendre un moustique voler, tant que le bruit ambiant est trop élevé vous ne l'entendrez pas. Il en est de même pour les perceptions corporelles et émotionnelles. En élargissant le répertoire de mouvements, on peut mieux s'adapter aux circonstances du moment, rendre ce qui semblait impossible possible comme laisser le bassin mobile alors que le coude reste contre le dossier. Les mécanismes internes sont les mécanismes gérés par le système nerveux autonome. Ils sont le fruit de l'adaptation de l'espèce au cours de milliers d'années. Le système nerveux volontaire inhibe ou amplifie ces mécanismes internes.
Gagner en subtilité et en précision
dans la perception et l'exécution du mouvement
• Distinguer un fonctionnement par choix d'un fonctionnement par défaut
• Induire des modifications du système neuro-végétatif en affinant le contrôle volontaire de
nos muscles
Lors de l'expérimentation, après quelques mouvements et variations vous pouviez vous permettre de faire les mouvements plus petits, plus précis. Vous sentiez plus de nuance dans l'usage de la colonne, des côtes, du cou. Ce gain en précision et en subtilité dans la perception et l'exécution du mouvement permet de distinguer plus facilement un fonctionnement par choix d'un fonctionnement par défaut. Lorsque dans les mouvements, la respiration se bloquait, le vouliez-vous ou était-ce de l'ordre de l'habitude ? D'autre part, un meilleur contrôle induit également des modifications du système neurovégétatif. La personne qui fonctionne avec une poitrine et un ventre qui restent souple aura une bonne qualité
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respiratoire. Celle qui fonctionne avec une bonne dissociation des jambes et du bassin aura des rapports sexuels de meilleure qualité. La personne qui donne à son squelette toute la fonction de soutien aura du plaisir à bouger.
Les troubles du fonctionnement, qu'ils soient de type organiques, fonctionnels,
relationnels ou autres peuvent être pris en charge par une approche corporelle
Il est donc tout à fait envisageable de prendre en charge des troubles fonctionnels à partir du corps. En plaçant la personne dans une situation corporelle inhabituelle et en lui demandant à partir de cette position de faire des gestes habituels, on la confronte à l'efficacité de ses schémas de comportement.
La prise de conscience du corps par le mouvement met en évidence
les relations conflictuelles d'ordre physique, psychique et émotionnelle
qui rendent difficiles, voire impossibles certains actes.
Le contexte de prise de conscience offre à la personne un cadre dans lequel elle va pouvoir installer et intégrer de nouvelles attitudes. La prise de conscience , ce n'est pas juste sentir le corps pour corriger l'erreur. Il faut accepter de remettre sur le tapis ses idées, ses modèles, ses valeurs, ses principes pour redevenir le seul et unique responsable de ses actes. Et ensuite pouvoir les ajuster au mieux à la situation du moment.
La Méthode Feldenkrais est une des approches somatiques
qui permet de créer cette prise de conscience et d'accompagner la personne sur les
sentiers de la maturité des comportements
La Méthode Feldenkrais est la pédagogie que vous avez expérimentée au cours de cet exposé. Elle fait partie de ces approches somatiques qui permettent de créer cette prise de conscience et d'accompagner la personne sur les sentiers de la maturité des comportements.
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Pour plus d'infos…
La Puissance du Moi - Moshe Feldenkrais
Articuler le changement - Larry L. Goldfarb
http://www.feldenkrais-belgique.org
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« Il m ‘a encore fait une belle crise »
Comprendre, gérer et accompagner les maladies respiratoires chroniques de
l'enfant
Dr. VERONIQUE GODDING
Pneumologie Pédiatrique,
UCL St-Luc, 1200 Bruxelles
La maladie chronique : de l'enfance à l'âge adulte
Les maladies respiratoires chroniques qui apparaissent durant l'enfance accompagneront le plus
souvent l'enfant durant l'adolescence et l'âge adulte : il s'agit principalement de l'asthme, de la
mucoviscidose, des bronchectasies, ainsi que des maladies respiratoires qui atteignent les enfants
souffrant de maladies neurologiques ou neuro-musculaires.
La qualité de la gestion de cette pathologie durant l'enfance aura une influence déterminante sur la
manière de se soigner, et donc la qualité de vie, l'insertion sociale et l'espérance de vie de la
personne, à l'âge adulte. Ces enjeux sont présents dès le moment du diagnostic, et doivent faire
l'objet d'une prise en charge rigoureuse.
Il existe un véritable paradoxe de l'asthme
: malgré l'amélioration des connaissances
physiopathologiques, génétiques, la mise au point de traitements de plus en plus performants, il n'y
a pas vraiment d'amélioration de la morbidité : en effet, les patients ne reconnaissent pas (toujours)
les symptômes, les médecins ne font pas (toujours) le bon diagnostic, ils ne prescrivent pas
(toujours) le traitement recommandé par les consensus. Les patients ne suivent pas (toutes) les
recommandations. (Mellins, 1996, Clark, 2001).
La maladie respiratoire chronique de l'enfant s'inscrit dans l'histoire médicale de l'enfant par une
série de symptômes, d'exacerbations, de maladies aigues justifiant des contacts médicaux,
admissions en salle d'urgence, hospitalisations…, menant à une démarche d'investigation pour
arriver à un diagnostic de maladie respiratoire chronique, qui débouche sur la prescription d'un
traitement « de fond » (quotidien sur le long terme), et des changements de style de vie (tabagisme,
éviction des animaux domestiques, mesures anti-acariens…).
Dans l'histoire familiale, le parcours peut être différent. Les symptômes (toux chronique, la nuit,
épisodes de difficultés respiratoires, admissions en salle d'urgence) vont souvent de pair avec une
inquiétude familiale, de la fatigue, parfois aussi de la tristesse, de la culpabilité, de la colère, de
l'ignorance. Sur le plan social, l'absentéisme scolaire de l'enfant, l'absentéisme des parents sur le
plan professionnel ajoutent des difficultés à la gestion de la maladie. Le diagnostic peut être reçu
avec soulagement par la famille (« on a enfin trouvé ce qu'il a »), mais parfois aussi la famille
n'accepte pas le diagnostic d'asthme, souvent connoté « insuffisance respiratoire » dans l'imaginaire
de certains, ou minimisé (« dans notre famille, on a de l'asthme, mais on n'est pas du genre à se
dorloter »). L'existence de décès liés à l'asthme dans l'histoire familiale immédiate est souvent
associée à des difficultés à accepter le diagnostic, et/ou à donner le traitement , souvent analogue à
celui qu'utilisait la personne décédée.
Influence de facteurs émotionnels et du stress dans l'évolution de l'asthme
Des chercheurs américains ont suivi prospectivement soixante enfants atteints d'asthme persistant,
durant 18 mois. Ils ont observé un risque d'exacerbation d'asthme très élevé (quintuplé) dans les 48
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heures qui suivaient un événement « sérieusement négatif » (réprimande de l'institutrice, bagarre
avec le meilleur ami, dispute des parents, naissance…) (Sandberg, 2004).
L'importance du stress chronique comme facteur aggravant de l'asthme a été mise en évidence chez
des adolescents atteints d'asthme modéré et sévère (Chen, 2003).
Enfin, un niveau de stress élevé de parents de bébés avec risque d'allergie, augmentait le risque
d'apparition de sifflements respiratoires chez le bébé avant l'âge de 14 mois (Wright, 2002).
Le tabagisme in utero et environnemental est un facteur aggravant de l'asthme, et des maladies
respiratoires chroniques de l'enfant.
Il ne s'agit toutefois pas d'un événement isolé. En effet, le tabagisme persistant de la femme
enceinte est d'autant plus probable qu'elle vit (ou a vécu) dans la violence, qu'il s'agisse de sévices
physiques ou sexuels vécus durant l'enfance ou l'adolescence, ou d'une violence domestique récente
ou actuelle.
Les co-dépendances (alcool, drogues, médicaments…), la dépression et la pauvreté sont d'importants
facteurs de risque associés au tabagisme durant la grossesse, et au tabagisme environnemental après
la naissance.
La pauvreté est un risque majeur de sévérité de l'asthme et des maladies respiratoires chroniques
de l'enfant.
La mortalité dûe à l'asthme chez l'enfant et l'adulte jeune augmente avec le niveau de pauvreté
(Rona, 2000). C'est le cas aussi pour la mucoviscidose : l'espérance de vie est tronquée de plusieurs
années pour les patients en situation de pauvreté.
La morbidité (les hospitalisations, admissions en salle d'urgence…) est fortement influencée par la
pauvreté, les taux d'hospitalisations pour asthme étant 4 à 5 fois plus élevés pour les enfants vivant
dans des quartiers défavorisés (Burr, 1997, Platts-Mills).
L'adhérence au traitement est un élément essentiel de la gestion de la maladie chronique.
L'adhérence au traitement correspond à la manière dont le comportement de l'enfant malade et de
son entourage pour la prise de médicaments, les changements de style de vie, le suivi médical
correspond aux recommandations qu'ils ont reçues d'un professionnel de la santé (OMS, 2003).
Promouvoir l'adhérence au traitement n'est pas un but en soi. C'est l'amélioration de la santé
respiratoire de l'enfant, de manière perceptible par lui-même et sa famille qui constitue le but à
définir ensemble au cours de la démarche d'éducation. Le bénéfice du traitement doit être évident,
et dépasser les risques ou les désagréments perçus par l'enfant et la famille.
Dans le cas de l'asthme de l'enfant, l'adhérence au traitement est estimée à moins de 50% dans les
évaluations les plus optimistes, à moins de 30% dans le cas de l'asthme des adolescents (Milgrom,
1997), à moins de 5% lorsqu'une puce électronique fixée sur l'aérosol doseur est utilisée à l'insu du
patient (Milgrom 1996, 1997). En pratique clinique, l'adhérence au traitement ne se mesure pas de
façon précise, mais elle peut s'approcher au moyen de quelques questions spécifiques (Bauman,
2002).
La relation soignant-patient-famille
Est considérée comme « l'instrument » le plus puissant pour changer le comportement de santé de
l'enfant et de ses parents. L'adhérence est peu probable si le patient et sa famille n'aiment pas le
soignant ou ne lui font pas confiance ou croient que le soignant est pressé, non intéressé, ou
impatient.
Plusieurs niveaux d'intervention « psy » sont possibles
L'éducation du patient : nécessaire, efficace, elle s'adresse à tous les enfants et familles. Son
efficacité est bien démontrée, en particulier pour les formes plus sévères d'asthme de l'enfant et de
l'adolescent. Elle permet de vérifier et de renforcer les compétences, les techniques, s'intéresse à la
perception des symptômes et veille à améliorer la compréhension de la maladie et du traitement.
Elle a aussi le mérite de mettre le médecin, l'enfant et la famille dans une relation de « partenariat »,
où chacun est respecté, et où les responsabilités respectives sont attribuées. Malheureusement, en
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Belgique en 2008, l'éducation du patient n'est pas reconnue ni remboursée en tant que telle dans le
contexte de l'asthme, bien qu'elle l'est pour la mucoviscidose, dans le cadre d'une convention avec
l'INAMI.
L'éducation complétée par une approche stratégique comportementale.
L'association de jeux de rôles, l'anticipation de situations à risque, le développement de nouvelles
habitudes peuvent aider l'enfant à reprendre à « son compte » les conseils de style de vie (éviter les
animaux domestiques, utiliser son traitement lorsqu'il est visible par les autres, prévenir l'adulte qu'il
ne se sent pas bien…). Leur utilisation améliore de plus de 25% l'efficacité de l'éducation du
patient.(Burkhart, 2002)
Intervention psychologique
Dans quelles indications?
Les enfants atteints d'asthme modéré ou sévère, qui ne s'améliore pas malgré un traitement adapté,
ainsi que leur famille devraient bénéficier d'une approche psychologique. C'est aussi le cas des
situations de dépression, qu'elles concernent l'enfant ou sa famille. Les deuils récents ou anciens, la
notion qu'un membre de la famille est décédé d'asthme amènent souvent des émotions difficiles à
gérer face à l'enfant malade, peuvent faire l'objet d'une brève intervention familiale, qui peut, si
nécessaire, à son tour, déboucher vers une « psychothérapie ». Les situations de stress multiples
(« les familles oignon ») souvent rencontrées dans les familles monoparentales ou en situation de
pauvreté bénéficient d'une approche psychologique intégrée au suivi médical. Enfin, les situations
conflictuelles (l'enfant de parents séparés qui se haïssent).
Comment ?
L'intervention psychologique peut se produire à différents niveaux :
La supervision de l'équipe médicale par l'intervenant psy. Elle permet aux pédiatres de percevoir
mieux les dimensions psychologiques des situations rencontrées, de trouver des « ouvertures » qui
seront acceptables par la famille et par l'enfant. De plus, en l'absence de convention avec l'INAMI
pour de nombreuses pathologies respiratoires chroniques, c'est l'abord qui reste le plus économique.
La co-consultation pédiatre-pédopsychiatre ou psychologue : c'est le pédiatre qui demande la
présence du psy, parce qu'il (elle) a besoin de l'aide de ce professionnel pour mieux comprendre et
gérer la difficile situation médicale de l'enfant. Cette méthode a fait la preuve de son efficacité
(Godding 1997).
La démarche de consultation psychologique individuelle ou familiale, distincte de la démarche
médicale. L'enfant et sa famille rencontrent un intervenant psy en dehors de la consultation de
pneumologie.
Conclusions
L'asthme de l'enfant peut être présenté comme un système ouvert, qui « hyperréagit » à de
nombreux déterminants de son environnement. Le stress, la pauvreté, le tabagisme, l'obésité, la
dépression… sont des facteurs aggravants de l'asthme chez l'enfant. Le traitement impose un
travail d'adaptation à l'enfant et sa famille, l'adhérence au traitement est souvent difficile et peut
être aidée.
De nombreux abords psychologiques sont disponibles. L'a démarche d'éducation devrait être
accessible à tous les enfants atteints de maladie respiratoire chroniques. Si nécessaire, elle peut
être associée à une intervention plus spécifique, qu'elle prenne place au niveau d'une supervision
des intervenants médicaux, d'une démarche de co-consultation, ou qu'il s'agisse d'un abord
« seulement » psychologique.
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Conséquences à long terme de
de l'abus sexuel précoce :
Construire une sémiologie médicale
MARC SHELLY
Médecin de santé publique, addictologue
Hôpital Fernand-Widal (AP-HP)
Président-fondateur de l'Association AREMEDIA
Un problème ignoré de santé publique
L'impact sur la santé, la vie durant, de l'abus sexuel sur enfant (ainsi que le handicap social,
professionnel et économique entraîné) fait de ce traumatisme précoce un problème majeur de santé
publique
Coût social total
Sur la base de deux évaluations nord-américaines convergentes (E-U et Canada), l'extrapolation pour
la France de son coût social total s'établit chaque année à 7,5 milliards d'euros soit l'équivalent de
l'ensemble des coûts afférents aux soins du cancer - traitements et hospitalisation seulement (Shelly
et al., 2006)
L'ABUS SEXUEL SUR ENFANT
Un problème de santé publique ignoré
En août 2005, un collectif de chercheurs nord-américains issus de plusieurs disciplines appelle dans
un éditorial de la la prestigieuse revue « SCIENCE » * à la mobilisation de la communauté scientifique
et médicale (Freyd et al., Science 2005)
Visiblement cet appel est resté inaudible, du moins en Europe :
− Absence de travaux épidémiologiques
− Absence de recherche clinique
− Peu de médecins impliqués
− Pas de formation initiale et secondaire
« une des principales affections pédiatriques chroniques » (selon Marcy, 2005,un expert du CDC
d'Atlanta)
une « épidémie silencieuse » entraînant dans la majorité des cas (dans les 2 sexes) des séquelles
durant la vie entière
DEFINITION (consensus épidémiologique)
Abus sexuel dit « précoce » : < 12 ans & impliquant un contact génital forcé (attouchements sexuels,
rapport bucco-génital, pénétration)
A l'exclusion de tout autre type d'abus (sans contact physique), même si le psycho-traumatisme n'est
pas niable.
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PREVALENCE
Sa prévalence constante dans la population générale (du rapport Kinsey (1953) à aujourd'hui, aux
Etats-Unis ou en Europe) en fait un invariant historique et culturel :
- environ 10% des filles* déclarent avoir été abusées en
majorité au sein de la famille, quelque soit la région et
la catégorie socio-professionnelle
- (et « seulement ») entre 2 et 4% des garçons *
* prévalence confirmée pour la France (Shelly et al., 2003)
EPISTEMOLOGIE DU PROBLEME
Après les travaux de la psychologie clinique des deux ou trois dernières décennies qui ont réalisé une
rupture avec la tradition freudienne de déni (« seconde topique ») de l'abus sexuel,
la problématique de l'abus sexuel précoce doit nécessairement réussir maintenant à s'inscrire
- ou se réinscrire (Ambroise Tardieu, 1857 ! ) - dans la clinique médicale.
LES SIGNES CLINIQUES
La sémiologie clinique des effets à long terme de l'abus sexuel précoce est multidimensionnelle.
Elle s'exprime dans trois registres en apparence distincts :
1. les troubles fonctionnels somatoformes 2. les troubles liés à la souffrance psychique 3. les comportements à risque (sexuels, addictifs, etc.)
Aucun de ces signes n'a pour cause exclusive l'abus sexuel. Pris isolément, ils n'en sont pas a priori systématiquement évocateurs. Toutefois, l'association de plusieurs de ces éléments (constitutifs du syndrôme) doit sûrement aujourd'hui alerter le professionnel. L'enjeu de la construction de ce diagnostic médical est la prise en charge clinique et thérapeutique appropriée.
− Aide, soutien, accompagnement à la rupture du déni personnel
− Inscription dans une démarche motivée et structurée d'accès aux soins
− Orientation vers une psychothérapie spécifique
− Prise en charge thérapeutique appropriée (y compris médicamenteuse), récemment rénovée
Ceci nécessite une formation appropriée des praticiens afin que les effets à long terme de l'abus sexuel précoce acquièrent un classique statut clinique d' « objet médical » à part entière permettant de définir (et enseigner) :
− les éléments du diagnostic clinique
− la stratégie de prise en charge appropriée (organisation d'une « conférence de consensus »)
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Les « signes d'appel » somatoformes
Troubles gastro-entérologiques (globalement 70% des consultantes - toutes plaintes confondues -
dans les services spécialisés)
Principalement : − Colopathies fonctionnelles (env.40% des cas)
− Troubles du tractus digestif inférieur (40%)
Troubles gynécologiques
Principalement :
− Douleurs pelviennes chroniques (56% des cas) associées à une colopathie fonctionnelle dans
un tiers des cas) et 20% de la chirurgie
− Syndrômes prémenstruels invalidants
− Vaginites, bartholinites +++
− Infections urinaires récidivantes
− Dyspareunies, sécheresse vaginale
− Grossesses précoces récidivantes ou non désirées (« résistance » à la contraception)
− IVG à répétition
− Fausses couches spontanées
− Grossesses à risque et complications (ex : éclampsie), durée +++ du travail obstétrical
− Problèmes de stérilité dite psychogène
Comportement vis-à-vis du dépistage
− 5 fois moins de pratique du frottis de dépistage cervico-vaginal (plus de cancer de l'utérus)
(Shelly et al. 2005)
− 4,5 fois moins de dépistage et soins bucco-dentaires (Shelly et al. 2005)
Rhumatologie & kinésithérapie
− Fibromyalgies
Neurologiques
Principalement :
− Maladie migraineuse sévère
− Maladie épileptique
− Pseudo-épilepsie (sans signes EEG apparents)
Médecine interne
Principalement :
− Syndrôme de « fatigue chronique »
− Syndrôme algique généralisé sans cause organique
− Maladies auto-immunes (surtout de la thyroïde)
− Troubles neurovégétatifs (quasi-constants)
Les victimes d'abus sexuels précoces (majoritairement des femmes) sont beaucoup plus que les autres personnes consommatrices de soins primaires ainsi que d'actes chirurgicaux
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Les praticiens (généralistes, spécialistes d'organe et chirurgiens) doivent être formés à
l'identification de ces signes cliniques afin d'orienter la patiente vers une prise en charge appropriée
et d'éviter notamment de fréquentes interventions « blanches » (p.ex 10% des
appendicectomies).
Conduites à risque
Un large spectre de comportements (dans les 2 sexes) sous-tendus par une souffrance psychique
majeure
− Comportements sexuels à risque
− Abus de substances psycho-actives licites et illicites
− Troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie avec ou sans vomissements
− Etats dépressifs chroniques (souvent résistants au traitement usuel)
− Tentatives de suicide à répétition, automutilations
− Comportement antisocial, rupture, désinsertion
Aucun de ces troubles des conduites n'a pour cause exclusive l'abus sexuel
Pris isolément, ils n'en sont pas a priori systématiquement évocateurs. Toutefois, l'association de
plusieurs de ces éléments dans la trajectoire de vie d'une personne doit sûrement aujourd'hui alerter
le professionnel.
Conduites sexuelles à risque (détail)
− infections sexuellement transmissibles souvent récidivantes (et surexposition au VIH),
conséquences d'une sexualité non protégée
− grossesses précoces le plus souvent non désirées (IVG à répétition)
− insatisfaction – et grande instabilité – sexuelle et affective (multi-partenariat et parfois
prostitution épisodique ou durable)
− On sait qu'une proportion élevée d'hommes homosexuels (plus de 30%) est actuellement
surexposés au risque d'infection par le VIH (multipartenariat, rapports non protégés, abus de psychoactifs dans un contexte sexuel, etc.). Dans 1 cas sur 3, il s'agit de victime d'abus sexuel précoce (Shelly et al., 2006) et 20% des homosexuels ont été abusés (vs 2 à 4%)
Abus de psychoactifs (détail)
− abus d'alcool en particulier en contexte sexuel (voire alcoolo-dépendance, particulièrement
évocatrice chez la femme 50%)
− tabagisme précoce et de niveau élevé
− usage intensif de drogues illicites, (inhabituel chez la femme)
− surconsommation de médicaments psychotropes (et souvent automédication et addiction
médicamenteuse)
Processus de résilience
Faciliter la verbalisation de la souffrance psychique, libérer la parole, c'est tenter d'amorcer un
processus de résilience permettant d'éviter les passages à l'acte. Une récente étude épidémiologique
réalisée par l'association Aremedia (en collaboration avec l'Inserm) met en évidence pour la
première fois ce phénomène.
Les femmes victimes d'abus sexuel précoce ont 7.5 fois plus d'accidents répétés de la voie publique
(Shelly et al., 2003). Lorsqu'elles ont parlé à un tiers (rarement à un professionnel) de leur
traumatisme biographique, cette proportion diminue des deux tiers (2.5)
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Les troubles de santé mentale
− État dépressif (et épisodes dépressifs majeurs)
− Troubles anxieux généralisés, attaque de panique +++ , insomnies « résistantes » fréquentes
− Trouble bipolaire BP I et BP II (50% d'entre eux)
− Troubles de la personnalité dits borderline (plus d'un cas sur deux) notamment avec
automutilation +++
Ces troubles peuvent être associés.
Ö L'abus sexuel précoce représente 1/3 des hospitalisations en psychiâtrie et 1/3 des épisodes
dépressifs majeurs
Les troubles de la personnalité borderline
9 Dépression chronique, dépressivité masquée, troubles du narcissisme (« état-limite ») 9 Sentiment persistant de vide intérieur 9 Troubles de l'humeur à variation rapide (colère, pleurs) 9 Impulsivité (passages à l 'acte périodiques +++) 9 Intolérance à la frustation 9 TS à répétition, actes répétés d'automutilation 9 Abandonnisme, etc
Neurobiologie/Neuropathologie
Certaines anomalies biologiques et altérations cérébrales ont été récemment identifiées chez l'adulte
victime d'abus sexuel précoce. Ces désordres et lésions, liées au « stress chronique » sont également
retrouvées dans
9 le syndrome de stress chronique post-traumatique 9 Les troubles de la personnalité borderline 9 Les troubles bipolaires I & II (lésions beaucoup plus importantes et étendues)
Axe hypothalamo-hypophysaire & biologie du stress
9 « Autoroute » régulatrice où circulent (entre hypothalamus, hypophyse, glandes surrénales,
SNA) les multiples signaux hormonaux « psycho-neuro-immunologiques » (dont les hormones de stress)
9 Dysrégulation (suractivation permanente) de ce systéme nerveux archaïque 9 Hypersécrétion inappropriée des « hormones de stress » (ACTH, cortisol, NA, DA, opioïdes,
Réactions au stress : combat/fuite ou arrêt
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Stigmates biologiques chez les personnes victimes d'abus sexuel précoce :
9 Augmentation matinale et diminution vespérale du niveau basal de cortisol plasmatique 9 Augmentation du niveau des catecholamines urinaires (noradrénaline, dopamine,
Neurobiologie/Neuropathologie
Cette sécrétion inappropriée, précoce et au long cours, des « hormones de stress » entraîne chez les
victimes de ce psychotraumatisme des troubles de la neurotransmission, de la
neurogènese et de la neuroplasticité se traduisant par une atteinte anatomique et des
dysfonctionnements chroniques de certaines structures-cibles de ces « hormones de stress »
(amygdale, hippocampe, cortex préfrontal, etc.)
Ces dysfonctionnements et lésions neuropatholologiques sont susceptibles d'expliquer aujourd'hui la
majorité des troubles cliniques neuro-psychiâtriques observés chez l'adulte victime d'abus sexuel
précoce
Histoire : il y a prés de 30 ans, avant l'émergence de la neuro-imagerie, plaidant pour une inscription
neurologique de l'abus sexuel précoce, plusieurs équipes avaient mis en évidence la fréquence
d'anomalies EEG (prés de 2/3 des cas) surtout dans la région fronto-temporale gauche.
9 Ces observations historiques rendent compte des épilepsies infra-cliniques mais aussi des
maladies épileptiques plus fréquemment associées a l'ABS que ne le voudrait le hasard
9 La région fronto-temporale est en regard de l'hippocampe, acteur-clé des troubles de
La neuro-imagerie montre aujourd'hui que trois régions cérébrales sont principalement altérées.
• L'hippocampe
Cette région est impliquée dans le contrôle de l'humeur, mémorisation, concentration, acquisition des connaissances) : déficits mnésiques et intellectuels marqués Diminution de la neurogenèse au cours du stress chronique Des cellules particulièrement vulnérables au stress
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Réduction (16%) de l'hippocampe
• Le cortex préfrontal
Il est impliqué dans la mémoire à court terme , prise de décisions, d'initiatives. On observe un ralentissement. Le stress entraîne une atrophie dendritique dans le cortex préfrontal médian.
• L'amygdale
Elle est impliquée dans la gestion des émotions, réactions de peur, anxiété, agressivité. On observe
de l'irritabilité, de l'agressivité, de l'anxiété.
L'arborisation dendritique de l'amygdale basolatérale
est augmentée après un stress répété
Facteurs influençant la neurogenèse (impact sur les cellules gliales « nourrices »)
Augmentation par
• environnement riche
• apprentissage (hippocampe dépendant)
• Thymorégulateurs (effet neurotrophique)
• Psychotraumatisme (précoce)
• Accès dépressif
• Stress chronique (corticoïdes, catecholamines, etc.)
CONSEQUENCES SUR L'APPROCHE THERAPEUTIQUE ACTUELLE
L'identification récente d'anomalies neuropathologiques à la faveur de l'essor de la neuro-imagerie
conduit à une remise en perspective de la nature des séquelles psychopathologiques associées à
l'âge adulte à l'abus sexuel précoce.
Parallèlement à la prise en charge psychothérapique au long cours, qui demeure indispensable, des
stratégies thérapeutiques pharmacologiques complémentaires doivent être aujourd'hui proposées
NOUVELLES APPROCHES THERAPEUTIQUES
Pour l'essentiel, les lésions neuro-pathologiques observées sont par ailleurs en partie partagées par
les divers « troubles de l'humeur », en particulier
• Les troubles de la personnalité dits borderline
• Les troubles bipolaires BP I et BP II
Ces deux cadres cliniques distincts sont par ailleurs fréquemment associés chez l'adulte ayant une histoire d'abus sexuel précoce. A côté du lithium, de nouveaux thymo-régulateurs bien tolérés (antiépileptiques et neuroleptiques atypiques) à potentiel neurotrophique sont actuellement largement prescrits dans les TB I & II.
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Au terme d'essais concluants trois de ces médicaments sont aujourd'hui proposés dans le cadre de la prise en charge psychiâtrique des séquelles psychotraumatiques de l'abus sexuel.
• Le divalproate (antiépileptique)
• la lamotrigine (antiépileptique)
• l'aripiprazole (neuroleptique atypique)
Cette approche pharmacologique, rénovée, est due à la convergence des données cliniques (identification des troubles de la personnalité borderline et du syndrôme de stress chronique post-traumatique, essais thérapeutiques) et des découvertes récentes de la neuro-imagerie moderne. Elle permet d'éviter l'habituelle et abusive prescription au long cours des antidépresseurs qui s'avèrent à terme contre-productive. Associée aux autres types de prise en charge (non médicale), elle entraîne une amélioration significative du pronostic des séquelles post-traumatiques ainsi que de la qualité de vie des personnes concernées et leur permet d'espérer mener une vie acceptable.
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Le corps : aux sources de l'affectivité
VIOLAINE DE CLERCK
Psychothérapeute et formatrice
en analyse bioénergétique
Des réponses à une question si fondamentale
C'est un honneur pour moi, d'être invitée à transmettre et partager ici mon expérience de
psychothérapeute en analyse bioénergétique. C'est une psychothérapie, parmi les plus anciennes à
combiner un travail verbal et non verbal
C'est un bonheur particulier de voir un congrès de cette importance consacré entièrement à une
question si fondamentale et qui fait partie de mon quotidien.
Espérons que l'on redécouvre que l'affectivité humaine est fondamentalement enracinée dans le
corps ,que le psychisme est à la base une unité psychosomatique, et que les perturbations affectives
qui ont une inscription corporelle et peuvent être traitées par des interventions corporelles.
Je lis dans l'argument de ce congrès:
« De même tous les « psy » sont confrontés à des enfants ou des adultes qui vivent des situations
extrêmement difficiles mais dont le verrou émotionnel est tel qu'il empêche une approche verbale
d'arriver jusqu'à eux. En effet, il ne suffit pas d'avoir décelé l'origine psychologique ou relationnelle
d'une souffrance pour qu'elle puisse être travaillée avec la personne concernée ! Il arrive que des
personnes aient dû, pour survivre, apprendre à refouler leurs émotions pendant tellement d'années
que leur corps et leur tête n'entrent plus en relation… »
Voilà exactement le problème que Wilhem Reich d'abord et Alexander Lowen à sa suite se sont
attachés à résoudre tout au long de leur vie.
En 1930, soit il y a environ 80 ans, Wilhem Reich développait la première thérapie «psycho
corporelle» occidentale, la « végéto thérapie caractéro analytique». Voilà 80 ans qu'il mettait en
évidence l'existence d'un verrou émotionnel et développait des moyens de le résoudre. Nombre
d'approches psycho corporelles s'appuyent sur ses travaux et parmi celles-ci, l'analyse
bioénergétique fondée en 1956, par Alexander Lowen
L'analyse bioénergétique apporte des réponses à différentes questions posées ici :
« -Quand l'enfant est coupé de ses émotions : comment le reconnecter ?
-Quand le corps de l'enfant a été maltraité, traumatisé, utilisé comme objet sexuel
-Conséquences somatiques à l'age adulte des souffrances vécues dans l'enfance ».
Comment cela a t'il commencé : découverte du verrou
Reich est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre Freud en 1920 en tant qu'auteur original en
matière de sexualité. Reich est conquis, commence une psychanalyse et devient rapidement
psychanalyste. Lors du congrès de Vienne de 1924 les psychanalystes sont déçus par les résultats de
la psychanalyse, et mettent en place le séminaire technique chargé de travailler cette question, Reich
va le diriger. Les échecs comme les réussites sont examinées.de près C'est dans ce contexte qu'il va
mettre en évidence l'importance fondamentale de l'inhibition émotionnelle pour le succès de
l'analyse. Cette importance n'avait pas échappé à Freud qui savait que pour qu'une véritable prise de
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conscience produit une réaction affective : ce dont sont incapables les personnes verrouillées
émotionnellement.
Mais Reich va aller plus loin, et en s'intéresser de près a cette inhibition émotionnelle. Il va observer
qu'elle est toujours accompagnée par des attitudes corporelles figées, rigides.
Ces attitudes corporelles figées sont produite par des crispations musculaires chroniques. Il trouve là
la clef du verrou émotionnel.
Les crispations musculaires chroniques
Les crispations musculaires chroniques sont des réactions involontaires de défense. Elles réduisent,
ou même suppriment les sensations, en même temps qu'elles empêchent l'expression en bloquant
la poussée énergétique. Reich a appelé l'ensemble des crispations chroniques "cuirasse". Comme
une cuirasse, ces crispations protègent des impacts venant de l'extérieur mais elles entravent tous
les mouvements. Elles opèrent comme un bouclier interne qui a protégé la personne au moment où
elle ne pouvait échapper autrement a des sensations insupportables. C'est ce que les personnes
expriment quand ils disent : « je me suis durci ». Cette protection qui devrait n'être que temporaire
devient chronique lorsque la personne, enfant ou adulte reste trop longtemps soumise aux
sensations perturbantes ou lorsque la réaction naturelle l'atteinte a été tellement intense que le
sentiment de sécurité a été perdu.
Les crispations chroniques impliquent la musculature lisse et/ou striée, la motricité respiratoire,
Les crispations chroniques peuvent aussi altérer à bas bruit le fonctionnement de certains organes
en perturbant chroniquement leur spasticité. (l'appareil digestif, génital, etc.)
Nombre de nouvelles approches thérapeutiques "psycho-corporelles" font références aux crispations
chroniques comme substrat des difficultés émotionnelles et des malaises existentiels. Les crispations
chroniques réduisent en retour, parfois de façon dramatique, la capacité de gérer les émotions. Elles
réduisent entre autre la fonction du corps d'être un contenant pour les émotions
Elles sont à la fois résultat de l'histoire et la cause de la perduration du passé dans le présent.
Les expériences affectives sont des évènements corporels.
En même temps que Reich comprenait le mécanisme corporel du verrou émotionnel, il mettait en
évidence l'importance de la dimension corporelle de l'affectivité.
Cette réalité que les expériences affectives, sont des évènements corporels, chacun en fait
l'expérience. Les expériences affectives englobent les émotions intenses comme la peur, la colère, la
joie, ou celles plus subtile comme la confiance et la sécurité. Les évènements corporels dont on parle
ici ne concernent pas ce que la science et en particulier les neuro- sciences nous révèlent ces
dernières années, à savoir les mécanismes biochimiques impliqués dans les émotions.
Les processus corporels mis en évidence par Reich sont des évènements perceptibles et observables.
Les processus corporels mis en évidence par Reich sont des évènements perceptibles et observables.
Il s'agit de mouvements musculaires, impliquant la musculature lisse ou striée, des mouvements
respiratoires, des réactions végétatives et énergétiques. Ces mouvements sont faits tantôt de
spasmes très visibles (comme dans le rire), ou de frémissements subtils comme dans l'émotion
esthétique. Elles sont la réaction de l'organisme vivant qui a besoin de décharger un afflux d'énergie
suite à une stimulation. C'est un mécanisme d'autorégulation tout à fait spontané.
Ce sont ces mouvements qui sont bloqués par les crispations chroniques, et c'est pourquoi elles
produisent de l'inhibition émotionnelle
Lien inhibition sexuelle, émotionnelle et respiratoire
Reich a observé très finement et très justement que dans toutes les émotions, comme dans
l'expérience du climax du plaisir sexuel, il se produit un mouvement qui implique le corps tout entier
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autour de la charnière de la région de l'épigastre et du diaphragme, et dans lequel le segment de la
tête et du bassin se rapprochent et s'éloignent successivement. Il a appelé ce mouvement le
« réflexe orgastique ».
C'est un mouvement qui produit une décharge et une détente particulièrement profonde, qui ne se
produit que lorsque le mouvement se produit tout à fait spontanément.
Ce même mouvement se produit de manière subtile à chaque respiration (quand celle-ci n'est pas
entravée par des crispations chroniques).
C'est ce réflexe « orgastique » qui est réduit, voire totalement bloqué, par les crispations chroniques.
Ces observations ont permis de comprendre qu'il y a un lien direct entre l'inhibition émotionnelle et
sexuelle, et que les deux phénomènes sont toujours accompagnés d'une restriction de la respiration.
Les émotions sont l'expression de la vie en nous
Reich conçoit enfin que les émotions sont l'expression de mouvements de l'énergie vitale qui pulse
au fond de chaque être humain. Il partage ici la vision de Freud que au cœur de la personne il y a de
l'énergie : la libido. Cependant ici, on considère que la libido n'est qu'une des voies d'expression de
l'énergie vitale. C'est cette énergie vitale que Reich a appelé « bioénergie ».
Cette énergie est en mouvement constant ou alterne des moments d'expansion et de contraction. Ce
sont les mouvements de cette énergie que nous ressentons au niveau du corps comme des
sensations de courant, de flux, de pulsations, de vibrations et frémissements, et au niveau
psychologique comme des émotions et des sentiments.
Identité fonctionnelle du corps et de l'esprit
Reich apporte un éclairage fondamental à la compréhension du psychisme et du lien entre le corps et
l'esprit. Le psychisme humain, parce qu'il s'enracine dans les expériences affectives émotionnelles,
n'est pas une entité séparée du corps. Il est à sa base, un continuum psychosomatique dans lequel
processus corporels et mentaux sont profondément reliés. Reich est considéré comme le fondateur
de cette conception de l'identité fonctionnelle du corps et de l'esprit.
L'être humain au niveau de la conscience de soi, peut séparer expérience corporelle et mentale. En
effet il a cette capacité spécifique de pouvoir s'observer comme de l'extérieur, et de se dissocier de
l'expérience pour la nommer. A ce niveau nous sommes divisés entre l'instance qui analyse ce que
nous ressentons et l'instance qui éprouve des sentiments, passions, émotions. Cette division
inhérente à la condition humaine est liée à la faculté du langage et de la pensée faite de mots et de
symboles et la capacité de créer des concepts. Cette division est à la base du développement de
cette instance psychique que nous appelons le Moi. (c'est une expérience de surface). Elle nous
permet de nous séparer de notre expérience. Si la pensée nous permet de mettre des mots sur les
sentiments, l'émergence du sentiment lui même échappe à notre volonté. Notre conscience a le
pouvoir de bloquer les sentiments.Le Moi de la personne peut se placer au dessus de sa condition
instinctive. L'humain est le seul organisme vivant qui possède une volonté consciente et une
conscience de soi qui lui permette de post poser une action. Ses pensées peuvent intervenir dans le
sens de contrer ses instincts. Certes pouvoir dominer ses instincts est nécessaire, de même que faire
preuve de volonté même au dépend du corps.
Mais, au niveau de l'existence de l'émotion et du sentiment, le corps et l'esprit, sont indissociables.
Quand une personne est en colère, ce n'est pas son esprit qui est fâché et son corps qui frappe. A ce
niveau les pensées sont déterminées par l'expérience émotionnelle.
Cette unité du corps et de l'esprit est liée à la faculté de nous émouvoir. Nous ne devons pas penser
pour vivre une émotion. De la même façon, nous captons immédiatement et sans passer par la
pensée qu'une personne est triste quand elle pleure. Nous ne pouvons pas créer le sentiment par la
pensée. Nous ne pouvons pas décider de tomber amoureux de telle personne à tel moment.
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Le travail verbal a des limites lorsqu'il s'agit de produire un changement à ce niveau si involontaire de
la personne. Reich et à sa suite Lowen, ont considéré qu'un travail par le corps le permet, et, ils ont
développé du travail corporel thérapeutique.
Cette unité corps esprit est à la base de l'instance psychique qu'on appelle le Soi elle est vécue
comme une expérience située en profondeur (on va désigner le ventre comme le lieu de cette
instance). Le Soi s'enracine dans les sensations corporelles. Elles fondent l'expérience d'être un
individu, et d'être à la fois séparé et relié aux autres êtres humains. C'est par elles que nous nous
sentons vivants et que la vie fait sens.
Dans l'expérience émotionnelle profonde les frontières du Moi s'estompent. Cette expérience est
ressentie comme un « abandon », un « lâcher prise », on ressent qu'on « se laisse aller ». Ce sera fort
difficile voire impossible à faire pour les personnes dominées excessivement par leur volonté.
Le Soi et le Moi sont deux pôles de la personnalité, leur équilibre détermine l'équilibre de la
personnalité de la même façon que le bois et la corde font l'équilibre de l'arc.
Une particularité de notre civilisation occidentale et de la culture moderne est la tendance à
s'identifier plutôt à l'esprit au Moi et à la faculté de penser, ("je pense donc je suis") au détriment du
Soi et de la qualité d'être.Le clivage corps esprit qui en résulte est soutenue dans notre culture te
produit nombre de troubles psychiques et corporels. D'autres sociétés ont développé des tendances
culturelles qui n'opposent pas corps et esprit et ont gardé contact avec cette réalité du leur profond
lien Elles donnent une place au corps et à sa vitalité dans les pratiques spirituelles et la quête de
l'équilibre psychique ou la sagesse s'accompagne de pratiques corporelles. Le yoga, le taichi, le
souffisme, etc.en sont des exemples. Le succès que ces pratiques rencontrent chez nous montre le
grand besoin dans lequel nous sommes. La présence actuelle du corps dans le social et la
surexposition du corps sexué exprime plus une nouvelle tendance à instrumentaliser le corps et la
sexualité qu'à leur donner la place du corps qui leur revient.
Les crispations chroniques sont la base corporelle qui sous tend et maintien le clivage corps esprit
ainsi que toutes les perturbations du continuum psychosomatique de la personne.
La végétothérapie- caractéro- analytique de Reich
Reich va modifier progressivement la technique psychanalytique en fonction de ses découvertes. La
première modification reste verbale (exemple de sourire figé), il met en évidence les attitudes rigides
formelles des patients, avant de proposer des interprétations de contenu. Cette technique faisait
partie de la psychanalyse en tant que « analyse caractérielle »).
En 1930, Reich franchit le pas décisif de travailler corporellement dans le cadre de l'analyse. Il pense
qu'il faut ajouter à la méthode verbale du travail physique pour réduire les crispations chroniques, la
cuirasse défensive (cuirasse caractérielle) et les restrictions de la respiration. (Reich sera exclu de la
société de psychanalyse)
Le travail se fait le patient allongé, par des pressions de la main et une technique respiratoire.
Chaque segment corporel est travaillé à la suite l'un de l'autre et dans le sens de commencer par la
tête et terminer par le bassin
Le travail corporel s'accompagne d'une mise en mots, de mise en lien avec l'histoire de la personne
telle qu'elle s'est passée et telle qu'elle se reproduit dans le transfert.
L'analyse bioénergétique de Lowen
Alexander Lowen va poursuivre la voie ouverte par Reich de combiner travail verbal et corporel. La
notion de cuirasse est remplacées par celle de « structure caractérielle » Chaque structure est
l'ensemble des défenses que la personne a mis en place pour survivre à une ou plusieurs
perturbations (blessures) fondamentales, et qui est devenue chronique.
Les principales perturbations ou blessures sont : l'hostilité ( la menace pour la survie), la manque
affectif (abandon, perte, déficit de contact et d'affection), l'humiliation (dépossession de soi par la
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violence, la séduction ou l'étouffement), l'abus (narcissique, physique et/ou sexuel), la répression de
l'affirmation de soi et de l'autonomie, le rejet des sentiments (la trahison).
La thérapie va comprendre une phase de « lecture du corps » qui permet avec la personne de mettre
en évidence ce que les attitudes corporelles expriment.
Ensuite il y aura du travail à trois niveaux : perception de soi, expression de soi, possession de soi. Le
travail d'expression de soi, de déblocage des émotions a été le plus connu au moment ou l'analyse
bioénergétique a été assez connue (dans les années septante). Le travail pour contenir les émotions
est moins connu. Il est actuellement devenu une part plus importante du travail car la culture
moderne qui se développe tend à pousser au passage à l'acte et à l'instrumentalisation des émotions
fortes et de la catharsis. (film violents)
Le travail corporel s'intègre, faut il le rappeler, à du travail verbal dont l'analyse du transfert qui fait
partie intégrante de l'analyse bioénergétique.
Développement récent de l'analyse bioénergétique : les trois dimensions de la thérapie
Alors que les approches dites « psychocorporelles » se sont développées, certaines sur base des
travaux de Reich, rares sont celles qui comme l'analyse bioénergétique, proposent un travail de fond
qui intègre un travail sur le plan du transfert et de la relation.
L'analyse bioénergétique contemporaine intègre en particulier les connaissances apportées par ce
courant autour de l'attachement, assez présent dans la psychologie d'aujourd'hui. Il met en avant
l'importance primordiale des expériences d'attachement dans le développement de la personnalité
et dans les pathologies psychiques. Ce courant et les recherches au sujet des relations précoces
mères/enfants, montrent que le développement du Soi est un processus relationnel. L'unité
psychosomatique de la personne dépend de la qualité des expériences d'attachements. Quoi de plus
logique, l'attachement est une expérience psycho-corporelle. Un nourrisson ne va pas se sentir aimé
si il n'est pas touché, regardé, et si on ne lui parle pas.
L'expérience affective qui était au départ conçue comme bi dimensionnelle (Reich), impliquant des
processus mentaux et corporels, est conçue comme tri dimensionnelle. Elle implique des processus
corporels, intrapsychiques et relationnels.
En lien direct avec cette perspective, l'analyse bioénergétique est vue comme tri dimensionnelle :
elle intègre un travail corporel, transférentiel et relationnel.
De quoi est fait le travail thérapeutique corporel
Le travail corporel, comme dit plus haut ont pour but la restauration de trois fonctions de base du
Soi : la perception de soi, l'expression de soi et la possession de soi.
Nombres d'exercices ou d'interventions corporelles ont été conçus pour travailler à l'un ou l'autre de
ces registres.
En ce qui concerne la résolution des crispations chroniques, il y a trois stratégie physiques de base :
étirement du muscle, mobilisation par du mouvement, (expressif ou non), et pressions manuelles
(pressions fortes ou douces).
Certains exercices combinent un mélange de deux ou des trois.
La mobilité corporelle (le versant physique de la mobilité psychique) comporte différents niveaux.
Il y a la mobilité, qui peut être plus ou moins contrôlée par la volonté consciente (le Moi) et la
motilité qui elle est involontaire. Ce sont des micro mouvements qui accompagnent ou non la
mobilité volontaire : des vibrations, frissons, tremblements, frissonnements…Ces mouvements sont
liées à de l'expression.Sans la motilité, les mouvements sont mécaniques. La qualité de « présence »
dune personne est déterminée par cette motilité. Les exercices servent aussi à ce niveau, en
produisant des vibrations ou des tremblements.
Les atteintes sexuelles et les abus
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Une des questions posées par les organisateurs du congrès concerne les conséquences pour les
enfants, devenus adultes, des abus sexuels.
Je ne vais pas faire une présentation générale et exhaustive des conséquences d'abus, incestes, viols
et autres violences sexuelles, mais vous apporter des éléments spécifiques liés à notre pratique
« psycocorporelle ».
Les abus sexuels produisent des ruptures dans la personnalité qui auront des conséquences au
niveau de son fonctionnement global et aussi spécifiquement au niveau de son fonctionnement
sexuel.
Nous constatons que les abus peuvent produire trois ruptures du continuum psychosomatique, selon
les circonstances des abus. Une rupture « tête et corps », « tendresse et agressivité », et « cœur et
sexe ».
La rupture « tête et corps » se manifeste pas une perte générale des sensations, elle va se produire
dans tous les cas ou l'enfant aura été menacé ou se sera senti menacé pour sa survie par l'abuseur. Il
aura été forcé à « abandonner » son corps et va s'en dissocier. Les conséquences seront multiples,
parmi celles-ci, il lui deviendra très difficile, voire impossible de s'abandonner à la vie en lui, donc à
tout émotions ou il va se sentir engagé. Comme dans toutes les situations de maltraitance sa
confiance en l'autre sera perdue et avec elle la confiance en la vie en lui.
La rupture « tendresse agressivité » va se produire quand l'enfant est amené à supprimer la réponse
'agressive suscitée par l'abus. Cette condition peut être la conséquence directe de l'abus ou le fait
que l'enfant ait été obligé de se taire par d'autres personnes (parfois la famille). L'enfant va rester
coincé dans une ambivalence « amour haine ». Ce sera souvent le cas quand l'abuseur est une
personne connue et appréciée de l'entourage.
La rupture « cœur et sexe » concerne des enfants qui aimaient l'abuseur, ou dont le corps a eu une
réaction de plaisir. Dans ces cas l'abus est une atteinte a leur « masculinité/féminité ». La rupture
cœur et sexe va empêcher de vivre plaisir sexuel et amour.
Le travail avec les enfants et la famille,
L'analyse bioénergétique s'est développée principalement comme psychothérapie individuelle et de
groupe pour adultes.
Depuis une dizaine d'années des psychothérapeutes en analyse bioénergétique travaillent avec des
enfants et des adolescents. Livre de Christa Ventling.
Témoignage de ma collègue en Ab qui a développé une pratique thérapeutique avec des enfants.
Le travail corporel en dehors de la thérapie
Classiquement le travail corporel « bioénergétique « est pratiqué dans le cadre de la thérapie, bien
qu'un « manuel » d'exercices a été édité par Lowen qui encourage ses patients et les thérapeutes à
les pratiquer quotidiennement.
Un des outils de l'analyse bioénergétique étant la résonnance, la mobilité et la présence
«
psychocorporelle
» du thérapeute, la pratique des exercices ou d'autres pratiques
psychocorporelles, fait partie du travail du thérapeute. Par ailleurs, une pratique nouvelle est en train de se développer, il s'agit de la pratique de « classes d'exercices bioénergétiques » appelées aussi « groupes de mouvements » en dehors du contexte de la thérapie. Cette pratique est tellement développée en Amérique Latine qu'elle fait l'objet d'une formation spécifique.
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Ces groupes de mouvements sont fait avec des enfants dans des institutions, et dans les rues, avec des adolescents, dans des institutions, dans des écoles et enfin avec des adultes dans des contexte de travail communautaire, d'organisations non gouvernementales, etc…. Des recherches ont montré que grâce à ce travail qui développe la perception de Soi et restaure la mobilité psychocorporelle
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Les limites de la mise en mots dans les situations d'abus sexuel
SAMIRA BOURHABA
Directrice de l'asbl Kaléidos
De prise en charge des abus sexuels intrafamiliaux
En ayant à l'esprit le titre annoncé pour cet exposé « Les limites de la mise en mots dans les situations d'abus sexuels », le premier aspect qui m'est venu à l'esprit porte sur la symptomatologie présentée par les victimes, mineures et majeures.
Très souvent, le symptôme précède la parole voire la remplace lorsque la révélation reste interdite, même chez des victimes devenues adultes. La multiplicité des symptômes développés par certaines victimes d'abus sexuels peut être vue comme autant de façons de dire l'innommable.
On le sait, lorsque l'abus sexuel se déroule, la parole se trouve interdite. Comme le disent M. Nisse et P. Sabourin, la loi de prohibition de l'inceste est supplantée par une autre règle de base : interdit de parler sous peine de mort. En même temps que le corps de l'enfant se trouve exploité, sa parole, elle, se trouve muselée. L'enfant est doublement dépossédé, dépossédé de son corps et de ses mots. Très souvent ces symptômes sont le seul moyen pour la victime de dire quelque chose à propos de ce mal qui lui est fait. Comme le dit JP Mugnier, le symptôme vaut pour dire et cela est d'autant plus vrai que l'enfant est jeune. Si la valeur de cette symptomatologie est de dire l'abus de façon analogique, détournée, c'est aussi malheureusement souvent une occasion supplémentaire de stigmatisation de la victime.
Nombreux sont les enfants qui, avant d'avoir pu révéler leurs abus, ont été grondés, punis, éloignés, critiqués pour des pipi au lit à répétition, pour des défaillances dans leurs apprentissages scolaires, pour des conduites violentes, souvent développées d'ailleurs au sein de leur famille, pour une agitation incontrôlée, et tant d'autres comportements qui étaient peut être des manières de dire quelque chose à propos de ce qui leur était imposé de vivre.
Thierry à l'âge de 5 ans met sa mère à bout en multipliant les insultes à son égard, en présentant un comportement de plus en plus agressif et incontrôlable à la maison Pendant son enfance, Thierry a été placé à plusieurs reprises notamment pendant une durée d'un an et demi dans un IMP. Cette orientation avait été suggérée par le Centre de Santé Mentale où il était suivi et où Thierry avait été diagnostiqué comme étant « caractériel ». Les abus de son père se perpétueront encore pendant 4 années, jusqu'à ce qu'une institutrice soit frappée non pas par le comportement problématique du garçon mais par le comportement étrangement généreux de monsieur à l'égard de Thierry, lui qui est si sévère avec les autres enfants de la famille et qu'elle questionne les enfants sur ce qu'ils vivent à la maison.
Heureusement donc, lorsqu'ils ont la chance de rencontrer des adultes, parents, proches ou professionnels qui tentent de comprendre ce que les symptômes peuvent dire de ce que l'enfant vit, le comportement problématique remplit sa fonction d'alarme, de dénonciation.
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A ce sujet, une attention particulière doit être accordée aux situations dans lesquels un dévoilement s'accompagne d'une recrudescence des symptômes. Ces situations nous envoient souvent le signal que le pire n'a pas été dit : le dévoilement masque autre chose, il est comme un os donné à ronger pour détourner l'attention de ce qu'il y aurait de pire à découvrir ou encore comme une façon de tester les réactions des adultes et leur capacité ou leur incapacité à être protecteurs devant cette première version « allégée ».
Si nous sommes présents en tant que service spécialisé dans la prise en charge des abus sexuels c'est que nécessairement le voile s'est levé, à un moment donné, sur les abus opérés en silence. Le dévoilement, souvent vu comme une chance pour la victime d'être entendue, crue et soutenue est aussi un moment fait de risque et de dangers à ne pas perdre de vue dans nos propositions de mise en mots, dans notre volonté de permettre que les choses se disent enfin. Dans l'après dévoilement, nous occupons une position particulière aux yeux de l'enfant victimisé, mais aussi pour le reste de sa famille, lorsque nous débarquons avec notre bonne volonté thérapeutique pour questionner et mettre en sens ce qui a pu se passer dans la famille et proposer notre aide pour limiter les séquelles sur ses différents membres.
Fort de notre désir de les aider au mieux, nous pouvons facilement penser que les victimes en premier lieu vont être soulagées de pouvoir se confier sur ce qu'elles ont subi. C'est loin d'être toujours le cas et là encore, l'enfant comme l'adulte victimisés, butent devant la possibilité d'une mise en mots. La verbalisation, si elle est difficile pour l'adulte, peut devenir mission impossible pour l'enfant, d'autant que les stratégies de survie misent en place pour lutter contre l'envahissement de l'angoisse viennent s'opposer à la réalisation de cette verbalisation.
Lorsque nous recevons en entretien de fratrie les 4 enfants Lima, tout au début de la prise en charge, nous nous rendons rapidement compte qu'il existe entre les enfants une grande complicité et aussi une réelle excitation qu'il nous est difficile de contenir. L'entretien est chahuté par des rires incontrolés, des blagues, des commentaires qu'ils échangent, des gestes qu'ils s'adressent et cela persiste même lorsque leur rappelons que nous sommes là pour parler de choses graves qui se sont passées entre eux. Cette agitation est sans doute alimentée d'une part par l'excitation qu'ils ont partagée à l'occasion des pratiques sexuelles mais aussi par les préoccupations angoissées avec lesquelles ils arrivent en entretien à propos de ce qui va se dire, de qui va parler, de qui va se taire,…
En quittant le local d'entretien, François me tend une feuille sur laquelle il a réalisé deux dessins au cours de l'entretien. Sur une face figure un point d'interrogation en rouge et sur l'autre, un point d'exclamation. Thierry, lui laisse sur la table le dessin suivant. Nous faisons l'hypothèse que les enfants rendent ainsi visibles, tant par leurs comportements que par les dessins spontanés qu'ils produisent lors de cet entretien, leurs préoccupations. Sur quoi ces dessins attirent-ils notre attention, que disent-ils de ce qui ne peut se dire par les mots ? Ils attirent probablement notre attention sur leur incapacité à contenir leur excitation et dès lors sur le risque de nouveaux passages à l'acte. Le premier dessin de François nomme une interrogation : parle-t-il peut être des questions que nous allons poser, de celle qu'il se pose ou de l'incertitude dans laquelle le plonge notre intervention. Le second évoque-t-il un danger qu'il perçoit, celui de parler, celui de se taire, ou
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bien le danger qu'il éprouve à l'idée de notre intervention ou encore sur le danger qu'il continue à ressentir au sein de sa fratrie. A la sortie de cet entretien de fratrie, nous décidons de poursuivre les rencontres avec les enfants en entretien individuels, avant tout pour évaluer avec chacun son degré de sécurité actuel qui est l'enjeu qui nous préoccupe le plus à ce moment-là.
Nous avons aussi à comprendre pourquoi, très souvent, le récit qu'ils peuvent faire ne porte que sur une partie des faits et révèle une version réduite, une version supportable de ce qui a pu effectivement se passer. Lorsque l'abus est révélé, l'enfant est confronté à une question angoissante : que va-t-on faire de moi? De plus, dans les situations d'abus sexuel intra-familial, cette question se double d'une autre question : Que va-t-on faire de nous ? Cette question « Que va-t-on faire de moi ? » porte non seulement sur les conséquences directes pour l'enfant et ou sa famille : va-t-on me croire, m'aider, me gronder, m'éloigner, me punir, me poser des questions,… mais surtout, cette question angoissante porte en elle un enjeu bien plus grand, d'ordre identitaire celui-là : comment vais-je être considéré à la suite de ces révélations, aurais-je le droit d'exister comme un enfant digne de respect et digne d'être des leurs, ou vais-je être vu comme un être indigne qui inspire la honte et le dégoût ?
Dans la situation des enfants Lima, c'est Ludovic qui révèle à sa mère des comportements sexuels de ses deux frères sur sa sœur. Toutefois, alors qu'il est lui-même victimes d'abus sexuel au moins de ses deux frères, il ne parle pas de ce qu'il subit. C'est Nathanaelle qui révèlera les abus sexuels dont Ludovic a été victime.
C'est bien sûr la honte et la culpabilité éprouvées par l'enfant qui nourrissent cette crainte d'être banni pour ce qui lui est arrivé, ou plutôt dans sa vision des choses pour ce qu'il a fait ou laissé faire. Le moment du dévoilement est donc bien aussi le temps de nouveaux dangers pour l'enfant. En particulier lorsqu'il arrive dans un service comme le nôtre, présenté comme intervenant spécifiquement sur l'abus sexuel qu'il a subi, l'enfant y arrive avec ces préoccupations angoissantes. Il sait que nous sommes là pour parler de cette chose-là. Nous ne sommes pas pour lui seulement le lieu où il va pouvoir être aidé mais aussi le lieu qui va mettre au centre de ses préoccupations la volonté de savoir et de comprendre ce qui a pu lui arriver, avec les dangers que cela comporte. Bien sûr, ce vécu de l'enfant vient encore compliquer et limiter la mise en mots. Les risques en jeu dans ce moment où l'abus est révélé vont largement contribué à limiter l'explicitation de ce qui a pu se passer. En particulier, certaines zones vont être plus que d'autres difficiles voire impossibles à nommer. Parmi ces pans de la réalité inavouables, on trouve les situations dans lesquelles l'enfant, dont le corps a été excité, a pu solliciter certains gestes, ou encore les situations dans lesquels l'enfant a accepté certains cadeaux ou faveurs en échange de conduites sexuelles ou en échange de son silence, les situations dans lesquelles d'autres victimes que celles déjà connues ont été impliquées, c'est vrai en particulier au sein des fratries où seuls quelques-uns des enfants ont été présentés comme impliqués dans les abus alors qu'en fait ils sont plus nombreux à l'avoir été. Les situations dans lesquelles la responsabilité de l'autre parent est plus évidente que ce qui a pu être dit sont souvent aussi frappés de ce silence. Evidemment, les situations dans lesquelles des abus restent agis sont les moins avouables d'entre toutes et trouvent difficilement à se dire.
Nathanaelle qui, sans doute par son statut de petite et de fille, a été d'emblée considérée comme une victime passive a qui a été imposé des gestes sexuels, éprouve depuis le début de la prise en charge de la famille énormément de difficultés à aborder certains aspects des faits qui s'étaient passés entre elle et ses frères, en particulier entre elle et François.
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Lors du premier entretien individuel que nous organisons avec elle, elle répond à nos premières questions sur sa vie actuelle et dès que nous évoquons les raisons pour lesquelles nous la voyons seule, parlant notamment de nos préoccupations à la suite de l'entretien de fratrie, Nathanaelle prend une des feuilles à sa disposition sur la table et nous demande si elle peut désormais nous répondre par écrit, ce qu'elle fera pendant le reste de l'entretien, répondant par oui ou par non à nos questions. Lorsque l'heure de fin approche, elle ajoute cette question «
est-ce que j'ai été
courageuse ? », attirant du coup notre attention sur le courage que lui demandent ces entretiens. Nous recevrons ce message comme une demande d'y aller progressivement et de manière particulièrement rassurante mais également comme un message à propos d ‘un danger à dire ce qui a pu se passer.
Notamment, nous avions à l'esprit l'hypothèse que, comme d'autres victimes d'abus, Nathanaelle avait pu éprouver une excitation lors des pratiques sexuelles partagées avec ses frères, voire être à l'initiative de certaines de ces conduites sexualisées. Si cela est arrivé, Nathanaelle le sait mais ne peut rien en dire, honteuse de ce qu'on pourrait penser d'elle. C'est pour limiter ce risque à rester enfermée dans une honte inavouable que nous nous mobilisons pour dire quelque chose de cette possible version des faits. C'est surtout le travail avec son frère François qui nous a attiré notre attention sur cette hypothèse et nous pousse surtout à nous mobiliser pour permettre de dire quelque chose de cette réalité-là. En effet, lorsque nous rencontrons François en entretiens individuel, il se montre capable de faire la part des choses au niveau de la responsabilité de chacun dans l'installation des comportements. S'il endosse sa responsabilité par rapport aux gestes entre lui et Nathanaelle il garde de la colère à l'idée que les adultes l'aient considéré comme seul responsable là où lui-même avait pu, par moments, se vivre comme victime de sa sœur, expliquant qu'elle l'avait menacé de raconter ce qui s'était passé entre eux s'il refusait de recommencer. Il s'était donc retrouvé menacé et piégé par sa sœur. Lorsque nous revoyons Nathanaelle, elle sait qu'entre temps nous avons vu son frère seul. A un moment donné de cet entretien on lui demande si elle sait ce qu'elle veut faire comme métier plus tard ? Oui, coiffeuse. Qu'est-ce que tu imagines d'autre dans ta vie de plus tard? Je vais réfléchir dans ma cabane (Nathanaelle entre dans le placard et demande qu'on l'y enferme à clé). De l'intérieur du placard, elle crie « Je ne vais plus jamais sortir, je vais me tuer avec un couteau ! » Ma collègue et moi parlons alors entre nous, à voix haute pour que Nathanaelle nous entende : « Peut-être que Nathanaelle n'arrive pas à penser à l'avenir ? Peut-être pense-t-elle qu'avec ce qu'elle a vécu, elle ne peut que mourir ? ». Nathanaelle crie « A trois, je meurs ! » ; Prise de court mais malgré tout préoccupée à l'idée de ne pas permettre à Nathanaelle de penser que nous allons la laisser mourir, j'ouvre alors la porte du placard et me penche vers elle. elle se met à ronfler (me montrant qu'elle ne s'est pas tuée mais qu'elle dort ») Puis, elle aboie et ressort en grognant comme un chien enragé. « Je m'adresse à ma collègue, mais surtout à Nathanaelle, « C'est un chien, on dirait qu'il devient féroce ! Peut-être a-t-il besoin de temps pour se calmer ou pour qu'on l'apprivoise ? Ou alors il a peur ? ». Nous offrant une accalmie dans cette explosion d'émotions, Nathanaelle retourne se cacher puis ressort du placard, calme. Une nouvelle fois, Nathanaelle nous montre à quel point parler des abus et en particulier de cette zone qui parle de sa part active dans les comportements sexuels partagés avec son frère
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la mette en danger et à quel point il lui est difficile d'en parler. La menace qui pèse sur elle est éprouvée comme une menace de mort. Nous faisons l'hypothèse que mettant en scène ce chien qui court le risque d'une mise à mort, c'est comme si elle nous proposait un intermédiaire métaphorique pour parler, non pas de ce qui s'est passé, mais de ce qu'elle éprouve de ce qui s'est passé.
Ce chien qu'elle met elle-même en scène dans toute sa rage et sa peur est une belle illustration des formes de narration analogique à proposer pour permettre, entre autres, l'expression des émotions sur un support autre que la mise en récit. A d'autres moments, nous pouvons également proposer nous-même du matériel analogique qui va favoriser l'expression de zones auxquelles l'enfant a difficilement accès.
Nathanaelle nous apparaît comme une petite fille qui s'exprime difficilement sur ce qu'elle ressent. Nous la recevons en entretien le jour où son frère va être conduit en IPPJ pour de nouveaux faits sur Ludovic. La sentant perturbée par cette décision, nous lui proposons donc la technique des masques de Vérity Gavin, particulièrement utile pour favoriser l'expression des émotions retenues. Le masque, blanc au départ, est proposé comme une surface derrière laquelle l'enfant va pouvoir se cacher pour en fait se montrer.
Concernant cette décision, Nathanaelle se sentait « mélangée », ressentant à la fois du soulagement mais aussi des regrets suite au départ de son frère
Plus tard, à l'occasion d'un nouvel entretien individuel, nous avons cherché à savoir si elle pouvait s'inquiéter de ce que ses frères disaient lorsqu'ils venaient seuls en entretien. Lorsque nous lui demandons si parfois elle pense à ce que ses frères viennent faire et dire aux entretiens, elle dit que ce que François fait l'intéresse un petit peu.
Nous lui faisons part du sentiment que nous avons que son frère François éprouve un sentiment d'injustice et de la colère. Lorsque nous lui demandons d'imaginer ce qui était été difficile pour François, elle nous répond qu'elle ne sais pas, qu'elle n'est pas dans sa tête. A ce moment-là de la prise en charge elle avait pu progressivement montrer que c'était dur pour elle d'aborder la question de sa participation dans les comportements sexuels bien qu'elle n'ait encore pu rien dire de ça. Comme je l'illustrais tout à l'heure avec l'exemple du chien, elle peut montrer des choses de ce que ça lui a fait vivre mais ne peut encore rien dire de ce qui s'est passé.
Interrompant la suite de notre questionnement, elle demande si elle peut jouer avec les marionnettes à doigts. Elle souhaite représenter sa famille. Elle choisi une marionnette pour chaque membre de sa famille plus une pour sa marraine et le fils de celle-ci. Elle ajoute alors une marionnette qui représente, dit-elle, un cousin de sa famille qui était en visite. Saisissant l'apparition de ce visiteur, nous lui demandons si elle avait expliqué à ce cousin les raisons pour lesquelles Nathanaelle partageait désormais sa chambre avec Ludovic. Nathanaelle a alors eu besoin de l'aide de sa maman (marionnette) pour en parler : « c'est pour qu'ils soient protégés ». (A la mère) Le sont-ils ? Oui. Que dirait son frère Ludovic ? Que c'est très bien comme ça. (S'adressant à la marionnette de Nathanaelle) : Est-ce qu'il pourrait encore se passer quelque chose ? Non, jamais ! Y as-tu déjà pensé ? Non…puis elle crie « Je vais t'égorger ! » et saute au coup de la marionnette de son frère François et de son frère Thierry, et assomme la maman. Plus tard dans l'entretien, alors que son frère François (marionnette) embrassait un marqueur, Nathanaelle saisit le téléphone, et l'intervenant, jouant François, décroche en disant « c'est qui » Nathanaelle répond alors « C'est ton
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pète ! ». l'intervenant s'adresse alors directement à Nathaelle et lui demande Qui l'a appelé ? Mon pète ! Pour lui dire quoi ? Viens sur moi !
On le voit, au cours de cet entretien, Nathanaelle a pu passer d'une position dans laquelle elle nous montre qu'elle et Ludovic seraient en sécurité dans cette chambre qu'ils partagent, sécurité qui continue à nous poser question, à une version dans laquelle elle dit quelque chose à propos de comment elle a pu initier certains échanges sexuels avec François. Bien sûr, tout cela se dit de façon détournée par l'intermédiaire d'une part des marionnettes auxquelles viens s'ajouter le téléphone.
Devant ce type de difficultés à dire, au sens de dire avec des mots et de façon directe, il nous faut user d'au moins 3 qualités essentielles dans la rencontre : l'expertise, le tact et la créativité. Ces 3 ressources me semblent indispensables pour dénouer la honte et la culpabilité éprouvées et qui rendent impossible la mise en mots. L'expertise, que j'entends dans le sens de « bonne connaissance de la problématique de l'abus sexuel », est nourrie par la multiplicité des situations accompagnées mais aussi par la formation, la supervision. Nous apprenons progressivement à mieux cerner les contours visibles mais aussi les contours invisibles de la problématique. Cette connaissance nous permet d'élaborer des hypothèses sur les zones cachées, sur ces pans de l'histoire qui restent frappés de honte et condamnés au silence. Cette connaissance nous sert de guide pour progresser plus rapidement et surtout de manière un peu moins insécurisée dans la compréhension de ce qui a pu se passer. A chaque nouvelle situation reçue à Kaleidos, nous sommes saisis de vertige lors des premiers entretiens au cours desquels nous sommes à chaque fois confrontés au caractère impensable de ces situations. Ce n'est que progressivement que nous devenons capables d'élaborer ces hypothèses qui servent notre mission thérapeutique. En tant que professionnel, ce que nous pouvons penser, imaginer de l'abus, des dynamiques relationnelles, des enjeux dans lesquels chacun a pu être prit, nous rend plus à même de déjouer la confusion, le trouble dans lequel ces situations peuvent nous plonger et nous permet aussi de penser ce qui ne peut être dit. Mais l'expertise serait un ennemi redoutable si elle s'imposait avec un statut de vérité à-priori. Le tact est la qualité indispensable qui nous permet de garantir à nos hypothèses leur statut hypothétique et qui nous permet de tenir compte de la singularité de chaque situation. Si nous pouvons formuler des hypothèses sur certaines dimensions inavouées de l'expérience d'abus subie, rien n'est vrai pour toutes les situations et chaque situation demande prudence et respect pour être appréhendée dans sa singularité. Enfin, la créativité, en particulier la créativité relationnelle comme la nomme Vérity Gavin, est difficile à définir et à expliquer. Si on peut la voir comme une qualité à-priori, plus ou moins développée chez l'intervenant, pour ma part, elle me donne surtout l'impression d'émerger lorsqu'un niveau de contrainte important pèse et limite le recours à mes moyens habituels que sont le questionnement et la mise en mot directs. Elle jaillit de l'urgence à faire autrement, de ce déséquilibre ressentit à certains moments de l'entretien, comme par exemple lorsque je sens un danger à laisser Nathanaelle se tuer dans le placard alors qu'est en jeu la question de sa participation dans les conduites sexuelles. Tout au long de cette démarche, quel que soit les supports à notre disposition, notre objectif va au-delà de la compréhension des faits ou de la levée de tel symptôme mais vise à la réhumanisation de ces enfants, qui même lorsqu'ils sont devenus adultes, risquent de se penser comme privé d'humanité du fait de ce qui leur a été imposé de vivre. Les zones frappées de silence, loin de se taire, disent quelque chose d'essentiel en ce qu'elles révèlent, comme le négatif d'une photo, les contours d'une souffrance encore active.
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Ce que peuvent les corps
VINCIANE DESPRET
Département de Philosophie
Université de Liège
« Nous ne pouvons savoir ce que peut le corps ». Le philosophe Spinoza savait-il que cette simple affirmation serait reprise, avec la même perplexité, au cours des siècles qui ont suivi son énonciation? Il est vrai que nous avons peut-être manqué, jusqu'à présent, d'une certaine disponibilité à explorer le corps autour de la question de ses possibles. Il est également vrai que nos conceptions très dualistes ont dû rendre certaines interrogations plus difficiles. Ne sommes-nous pas une des rares traditions à avoir créé une « psychosomatique » pour tenter de combler ce gouffre entre le corps et l'esprit ? Ne sommes-nous pas ceux qui distribuent les psychés du côté de la culture et les corps du côté de la nature ?
Je voudrais aujourd'hui mettre ce dualisme à l'épreuve de quelques situations et explorer les difficultés que celles-ci suscitent. Nous allons prendre plusieurs chemins, des chemins par lesquels nous allons cartographier quelques-uns des rapports que les corps tissent à la culture et à la nature, et qui nous feront rencontrer des corps bien sûr, des corps psychosomatiques bien entendu aussi, mais également des anthropologues affolés, des marionnettes convoquant la grâce, des médicaments et des placebos, et enfin, un cheval et des berlinois très sensibles.
Je vais donc essayer de penser la singularité des corps en leur posant une question très simple, en apparence très convenue, mais en essayant à la reprendre autrement : quel est le mode d'existence du corps par rapport à la pensée ? Non pas, quel est le rapport du corps à la pensée, ce qui reconduirait exactement au même endroit notre vieux dualisme (ce que le philosophe William James appelait « déplacer les meubles en restant dans le même appartement »), et qui est la manière convenue de poser la question, non pas non plus, « comment l'esprit pense-t-il dans le corps ? », ce qui revient pratiquement au même, on est toujours dans le même appartement, mais on gagne une concierge tyrannique. Ma question sera plutôt « quel est le mode privilégié d'existence du corps qui pense » ? Quel est le rapport du corps à sa propre pensée ? Comment penser le corps qui pense ?
Peut-être devrions-nous commencer par faire l'inventaire succinct des réponses problématiques qui ont été apportées à la question traditionnelle, ce que j'appelle la question convenue. De multiples tentatives pour tenter de comprendre comment l'esprit pense dans le corps ont été faites au cours de ces dernières années, et elles ont suscité pas mal de controverses. Une certaine tradition de la médecine psychosomatique a d'ailleurs, je crois, donné la forme à cette controverse et elle a déterminé la manière dont ceux qui s'y sont opposés y ont répondu. Parce qu'elles se fondaient sur une certaine conception des émotions, une conception qui les distingue radicalement de la raison, ces théories psychosomatiques en sont arrivées à la conclusion que, je caricature à peine, « le corps est bête ». Le corps des passions, le corps ému, le corps troublé, le corps trop présent de celui qui somatise, c'est un corps qui court-circuite les processus plus nobles, ceux de la symbolisation et de la pensée (on sort par la porte de derrière pour éviter la concierge). Or, ceux qui se sont opposés à cette conception du corps bête— je ne parlerai pas ici de ceux qui sont allés chercher dans d'autres traditions, comme celles des philosophies orientales — ont, en voulant s'opposer à elle, apporté une réponse finalement très symétrique à cette conception qui renvoie le corps à la non-pensée et, mentionnons le en passant, qui renvoie du même coup les somatiques, je veux dire ceux qui somatisent, à l'indigence de leur manière d'être malade. Cette réponse a consisté à dire que le corps,
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lui aussi, symbolisait. Un mal de dos devait renvoyer à des charges affectives ou relationnelles trop lourdes, un cancer de la gorge à une boule de chagrin qui ne peut se dénouer, comme dans le roman Mars de Fritz Horn, une surdité à la volonté de ne plus entendre, je passe sous silence tous les nœuds qui correspondraient, sous la forme de tensions musculaires, à des anciennes blessures psychiques mal cicatrisées. Bref, le corps a pris le relais du symbolique.
Malgré les critiques que je vais lui adresser, je suis prête à penser qu'il y a un fonds de vérité dans cette conception. Il est vrai d'abord qu'elle a au moins le bon goût de ne pas considérer les malades comme des analphabètes de la symbolisation ni de reprendre la vieille et misérable conception du corps comme matière inerte. Mais le bon goût n'est pas garant du vrai (mais bien souvent de l'intéressant), je vais donc montrer ce qu'elle a de plausible, de juste. D'une part, cette conception d'un corps qui symboliserait les souffrances, à sa manière, renvoie à cette idée que je trouve très intéressante et qui est l'idée que la langue travaille le corps tout comme le corps travaille la langue. Qu'est ce que cela signifie ? Le corps travaille la langue veut simplement dire que certaines de nos expressions et de nos métaphores traduisent en fait des affects corporels. Dire, à l'inverse, que la langue travaille le corps renvoie à la possibilité que certaines des métaphores qui nous permettent de penser nos expériences, que ces métaphores convoquent le corps et qu'elles peuvent sans doute orienter, dans cette convocation constante, une manière d'être au monde qui affecterait la manière d'être au monde du corps. Je vais y revenir avec des exemples. L'idée que la culture puisse modifier les corps n'est en fait pas neuve. L'anthropologue Marcel Mauss, pionnier en ce domaine, a montré que ce qui nous semble « naturel », comme la marche, obéissait en fait à des règles ou des techniques culturelles précises. Il n'existe pas de façon naturelle de marcher, la marche est une technique qui relève d'une codification sociale3. Le sociologue Jack Katz4, quant à lui, a étudié la manière dont la conduite automobile fait l'objet d'une véritable incorporation-modification du corps. Ainsi, le fait de devenir « conducteur d'automobile » ajoute au répertoire d'expériences corporelles un « devenir corps avec l'automobile », qui fait que certains gestes n'ont plus besoin d'être pensés pour être exécutés. Il y a un devenir corps avec le ronronnement du moteur, et qui guide le changement des vitesses, un devenir corps avec le déplacement particulier, une latéralisation différente qui s'opère, une connaissance incorporée du nouveau « corps avec prothèse » qu'est le corps agencé à l'automobile. On pourra aussi évoquer, pour décrire la manière dont la culture transforme les corps, la manière de regarder, voire même ce qu'on perçoit, la gestuelle, les goûts, et sans doute même parfois la manière de respirer5. Face à une même réalité, des corps traversés par des cultures différentes ne décryptent pas les mêmes stimuli et n'éprouvent pas les mêmes sensations6.
Dès lors, la langue elle-même, ce ne serait donc pas surprenant, entre dans le corps et le modèle : comme je le proposais, la langue travaille le corps, elle s'incorpore pourrait-on dire. Le psychologue James Averill remarque par exemple que les métaphores comme « bouillir de colère » sont, de manière indéterminée, à la fois ce qui reflète et ce qui pourrait donner sa forme à l'expérience corporelle de la colère7 : nous incorporons les métaphores, elles guident la manière dont notre corps fait l'expérience de ses émotions. Ne doit-on dès lors pas faire l'hypothèse que la langue entre dans 3 Mauss M. (1968), Les techniques du corps, in Sociologie et anthropologie , présenté par Claude Levi Strauss, Paris : PUF, pp. 367-368. 4 (1999) How Emotions Work. Chicago : Chicago University Press. Voir à ce sujet le travail passionnant et pionnier de Onians au sujet du rapport entre langue et corps chez les Grecs : (1954) Origin of European Thought. Cambridge : Cambridge University Press. 5 Michel Tournier dégage l'importance du rythme respiratoire dans la pratique arabe de la calligraphie lorsqu'il évoque dans la Goutte d'Or la quête d'identité culturelle du héros menacé de perte d'âme, et d'autant plus menacé qu'il cherche cette âme dans un territoire où il est certain qu'il ne pourra la trouver. 6 Les recherches de Von Uexkull, dans le domaine animal, pourraient être appelées ici en renfort : l'Umwelt, ou monde perçu est un monde de significations qui sont elles-mêmes construites par l'action et les possibilités d'agir. 7 Pour une analyse en français, je renvoie à mon ouvrage « Ces émotions qui nous fabriquent » ainsi qu'à Catherine Lutz, « La dépression est-elle universelle ? » (tous deux chez les empêcheurs de penser en rond.)
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les corps et les transforme ? Que la langue, de la même manière qu'elle fabrique de la pensée, de la psyché, fabrique aussi des corps ; qu'elle fabrique du cœur, du foie, des viscères ? En d'autres termes, il faudrait alors faire l'hypothèse que la langue n'exprime pas seulement le corps, mais qu'elle l'imprime. Or, cette proposition semble beaucoup plus problématique qu'elle apparaît à première vue. Si Marcel Mauss peut explorer la manière dont les corps marchant sont culturellement codés, et si donc ce que nous tenons pour naturel s'avère culturel dans son essence, si Jack Katz peut nous apprendre que les machines transforment nos corps et l'expérience que nous en avons, si James Averill peut proposer que certaines métaphores ne sont pas tant le reflet de nos expériences mais qu'elles en induisent la forme, comme le fait de nous vivre comme des marmites à pression quand nous nous pensons et que donc nous nous vivons en train de « bouillir de colère », il n'en reste pas moins que ces théories restent encore bien marginales. La marche, d'accord, la voiture, on passe, la manière de percevoir, on veut bien. Mais qu'on ne touche pas aux organes. C'est toucher à l'essence même du corps, à sa biologie, à sa nature en somme. Je crois que cette difficulté est liée à notre conception même du corps, pris en otage dans les rapports entre nature et culture. Ce dualisme nature culture est un dualisme autour duquel s'organise une bonne part de nos conceptions culturelles, ce qui contribue largement à la difficulté de le remettre en question. Et cette conception dualiste est à ce point puissante, que lorsque des anthropologues découvrent des conceptions qui semblent aller à l'encontre de ce dualisme, ils vont utiliser tout un dispositif théorique pour « remettre les choses à leur place ». Pour le dire brièvement, nous ne traitons pas du tout de la même manière le savoir des autres lorsqu'il entre en bonne cohérence avec nos schèmes de pensée et nos classifications que lorsqu'il entre en contradictions avec ces derniers. Dans le premier cas, on le voit dans la littérature anthropologique, on dira pour décrire le savoir des autres, « les Panoupanou » savent que, ont conscience de, pensent que, dans le second cas, lorsque le système de pensée contredit le nôtre, on dira, les « Panoupanou » croient que. Le terme de croyance est toujours là pour signaler un désastre : un système de pensée en récuse un autre. Ou pour le dire de manière un peu plus brutale, en suivant l'anthropologue Philippe Descola, c'est incroyable ce que l'anthropologie a inventé comme astuces et comme stratagèmes, dans la rencontre des autres, pour éviter que les Blancs ne deviennent fous.
Ainsi, si nous sortons quelques instants du rapport nature culture pour prendre un exemple
assez éloquent, lorsque des personnes d'autres cultures disent aux anthropologues qu'il faut honorer les morts sinon ils reviennent, ou encore que les morts reviennent tout simplement parler aux vivants, pour leur parler, les embêter ou quoi que ce soit que les morts ont en tête, les anthropologues vont élaborer une système de compréhension qui attribue à la pensée symbolique ou magique de telles croyances. C'est une façon de « remettre les choses à leur place » puisque nous, nous « savons » que les morts sont vraiment morts, et qu'ils ne nous embêtent qu'avec leur testament, ce que, de toutes évidences, les autres n'ont pas encore réalisé. Et que, même si nous ne sommes qu'une infime minorité à penser que les morts sont vraiment morts et qu'ils ne reviennent pas « vraiment » dans la vie des vivants si ce n'est sous forme imaginaire, onirique ou symbolique, nous ne pouvons quand même pas prendre au sérieux ce que tous nos savoirs considèrent, dans la version brutale comme de vagues superstitions, dans la version polie comme un système compliqué d'enchevêtrements de croyances à significations symboliques.
Il en est de même lorsque le rapport entre nature et culture, entre corps et psyché tend à se brouiller. On voit que lorsque la séparation qui commande ce rapport entre corps et psyché ou entre corps et culture tend à se dissoudre, comme cela arrive donc chez les autres, chez ces peuples dont nous finissons par penser, depuis que nous avons des anthropologues, qu'ils sont des maniaques de la fabrication de systèmes symboliques, on va penser que ce sont des croyances, et que ceux qui ne
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font pas bien les distinctions sont restés dans des rapports magiques avec la nature et la biologie, ce qui les a conduit à créer ce vaste réservoir de symbolique qui attendait nos interprétations les plus sophistiquées. Ainsi, quand les Algériens disent que l'amour des enfants fait trembler le foie, ou quand les Chewongs de Malaisie traduisent « je me sens bien « par « mon foie est bon » ou j'ai honte par « mon foie est tout rétréci », notre tradition savante présente une singulière tendance à interpréter ces expériences corporelles comme des expressions symboliques dans lesquelles le corps finalement n'est pas réellement impliqué. Pourquoi renvoyer au symbolique ? Mais pardi, pour les mêmes raisons que nous renvoyons les morts qui reviennent à la pensée magique : car c'est la seule opération qui permet de ne pas accorder de réalité à ce type d'expériences, ce type d'expériences qui va à l'encontre de ce que nous pensons du corps, et de ce que nous pensons surtout de l'appartenance du corps à la nature. La nature, dans ce cadre, et cela résume bien nos conceptions, est définie comme unique, extérieure et universelle 8. Les corps, dans cette perspective, seront uniques, extérieurs à la culture et universels. Des foies qui tremblent ou qui rétrécissent apparaissent dès lors comme autant de fantaisies : mais comme l'anthropologie fait de véritables efforts pour ne pas insulter les autres, on dira donc que ce sont des modes symboliques d'expressions, culturellement partagées, des modes de dire autrement, de parler d'autre chose, c'est-à-dire de la psyché. On a certes fait de considérables progrès en admettant que les émotions, qui autrefois apparaissaient des phénomènes essentiellement biologiques, pouvaient varier en fonction des cultures, donc qu'elles n'étaient pas si biologiques que cela. Nous ne connaissons pas l'amae des Japonais, cette émotion difficilement traduisible qui consiste à se mettre, avec l'aide d'une partenaire (c'est une émotion essentiellement masculine) dans l'état affectif de l'enfant que sa mère cajole ; et les Esquimaux Utku disent ne pas connaître la colère. Soit, donc on a fait des progrès, les émotions seraient peut-être plus culturelles qu'on l'a pensé. Mais si cette perte d'universalité » pouvait être pensée, elle ne pouvait l'être qu'au prix d'une réaffirmation de l'universalité des phénomènes biologiques qui sous-tendent, par delà la diversité, ces expériences émotionnelles. On sera bien d'accord, la colère d'un Grec de la Grèce ancienne ne sera pas la même que la colère justifiable d'un Ifaluk du Pacifique occidental ou que la rage d'un conducteur californien pris dans un embouteillage, mais c'est bien le même cœur qui s'affolera, ce sont bien les mêmes viscères qui se tordront, c'est bien la même adrénaline qui bouleversera les équilibres. David Le Breton, par exemple, propose une mise en contraste de l'expérience corporelle qui en dit long9 : « Nos sociétés suggèrent des théories hormonales, neuronales, anatomo-physiologiques, évolutionnistes, psychologiques, sociologiques, etc. ; d'autres sociétés mettent en avant des organes particulièrement investis, une physiologie symbolique où puisent les mouvements affectifs ». Le symbolique, on le voit, est toujours chez les autres, nous aurions, quant à nous, un rapport bien réel avec nos corps et ses organes. Paul Heelas10, de son côté note qu'une bonne part des autres cultures somatise les émotions. Mais cette incorporation, encore une fois, se résume le plus souvent à « des « manières de parler » car les organes qui sont mobilisés par les émotions, comme le foie, ne sont finalement que des organes « qui, dit-il, sont rarement (si jamais) expérienciés ». C'est à lui que nous devons de savoir que les Chewongs de Malaisie traduisent « je me sens bien « par « mon foie est bon » ou j'ai honte par
8 Les travaux conjoints de Philippe Descola et Bruno Latour ont été à la source de ce constat critique. On sentira l'influence de leurs propositions en réponse à ce problème dans les pages qui suivent. B. Latour (1991) Nous n'avons jamais été modernes, Paris, La Découverte. P. Descola (2005) Par-delà nature et culture. Paris : Gallimard. 9 (1998) Les Passions ordinaires. Anthropologie des émotions. Paris : Armand Colin, p. 123 10 Paul Heelas, (1986) « Emotion Talk across Cultures » in R. Harré ed. The Social Construction of Emotions, Oxford : Basic Blackwell, p. 244.
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« mon foie est tout rétréci »11. Mais si les organes ne sont pas réellement expérienciés, quelle conclusion devons-nous en tirer ? Exactement celle à laquelle Heelas veut nous mener pour préserver l'universalité de notre biologie, et donc la naturalité pleine et entière des corps : Les organes, dit-il en effet, sont pour ainsi dire « psychologisés ». Vous croyez que c'est du corps ? Non, ce n'est que de la psychologie, le corps n'a rien à voir dans cette affaire. Il n'est qu'un support imaginaire ou symbolique. On voit clairement, avec ce commentaire, le processus occidental de transformation à l'œuvre : le corps ne passe qu'à condition de se réduire à un contenu psychique, manière de dire, manière de voir, manière de penser. On aura donc, selon cette conception, d'un côté, chez nous, un corps manquant toujours de signification, de l'autre, chez les autres, une signification manquant de corps. Le lien entre les deux sera donc ce que j'appellerais la rustine de l'occidental, la panacée du hyatus conceptuel : le symbolique.
C'est , paradoxalement, exactement la raison pour laquelle j'éprouve quelques difficultés à adhérer pleinement à la lecture qui donne l'intelligence des corps comme des métaphores précises des souffrances de la psyché. Cette relation qui ferait que le corps parlerait un langage, que le dos dirait pour « ma tête c'est trop lourd », que l'oreille dirait « je ne peux en entendre plus », me semble calquer de trop près, par une sorte de mimétisme, le langage du corps sur celui des cognitions. Le corps emprunterait exactement le même registre de langue que la psyché, par une sorte de mimétisme, par un copiage littéral. Ce qui veut dire qu'on subordonne le mode d'existence, de penser et de sentir, le mode d'intelligence propre au corps à celui des processus cognitifs, seuls véritables maîtres à bord, seuls véritables modèles de pensée. Si le corps veut penser, il doit le faire comme la psyché. On ne pense donc pas le mode d'existence propre au corps. Pour le dire encore autrement, cette façon de concevoir le corps comme « parlant » le voue en dernier ressort à n'être, encore une fois, qu'une pâle émanation des processus cognitifs dont il emprunterait les nobles et compliqués modes d'action. Ce que je reproche en somme à cette conception qui fait du corps une expression symbolique de la psyché, c'est qu'elle est trop littérale. Et cette littéralité, traduit, à mon sens, une difficulté liée au dualisme : le corps n'aurait d'intelligence que s'il calque son intelligence sur les processus de la psyché.
C'est cela qui me pose problème : le corps, selon cette conception, n'aurait pas d'intelligence correspondant à son propre mode d'existence, son propre mode d'être corps, il ne pourrait que traduire les processus à l'œuvre de la psyché et obéir aux lois que lui impose celle-ci. Nous revoilà avec la concierge tyrannique, mais qui en outre, nous demande de surveiller notre langage. Et si le corps obéit aux lois de la psyché, et c'est là mon véritable problème avec cette conception, on ne parle donc pas du corps et de son intelligence, on parle de la matière, de ce qui ne peut faire qu'obéir à d'autres lois que les siennes propres, en l'occurrence, les lois des processus de la pensée. Or, si je ne peux pas dire grand chose des modes d'existence propres au corps, si je ne sais pas bien ce dont les corps sont capables, (Spinoza a encore raison), je peux néanmoins, de ce que j'ai lu, de ce que j'ai entendu et notamment dans les rapports des hommes et des animaux, proposer un mode d'existence qui serait propre au corps, et qui suit une proposition du philosophe William James que je trouve intéressante. Le corps, disait James, inversant la proposition traditionnelle, ce n'est pas tant ce qui est sensible (c'est la proposition traditionnelle), c'est ce qui nous rend sensible; ou plus précisément, le corps c'est ce qui nous apprend à devenir sensible12. Ce serait là, me semble-t-il, que nous pouvons commencer à explorer le mode d'existence, le régime d'intelligence qui serait celui du corps. Nous quittons donc la question convenue, pour commencer à envisager l'autre question : quel est le mode d'intelligence, son mode d'être pensant propre au corps ?
11 Le sens même de cette traduction n'est pas innocent, et marque bien le passage obligatoirement symbolique : ce n'est pas la même chose de dire « je traduis mon bien-être par mon foie » que d'affirmer « je traduis les sensations ressenties au niveau de mon foie en termes de bien-être ou de honte ». 12 Voir pour un développement de cette définition Despret V. (2004) « The Body We Care for. Figures of Anthropo-Zoo-Genesis » in Mark Berg et Madeleine Akrich, eds. Body&Society. Special Issues on « Bodies on Trial ». Sage, 10 (2-3), 111-134.
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Je voudrais d'abord expliquer la raison du choix de cette définition assez minimaliste : « le corps c'est que qui nous apprend à devenir sensible ». Ce n'est, on en conviendra, pas vraiment une définition, on ne sait pas grand chose de plus après avoir énoncé cela. C'est exactement la raison de ce choix : cette définition n'a d'autre but que d'ouvrir un chemin, un chemin qui ne nous oblige pas à opérer d'entrée de jeu la disjonction du dualisme. Justement parce que cette définition n'affirme rien, en revanche, elle pose quantité de questions : se rendre sensible à quoi, à qui, comment ? Là on pourra, si on le veut, reprendre les options du dualisme, mais rien n'y oblige. Mais cette définition qui ne dit rien, qui se tait sur l'usage qu'on pourra en faire, engage quand même à quelque chose : elle engage à la confiance. Elle demande qu'on fasse confiance au corps. Nous rendre sensibles, c'est là sa compétence, c'est là où nous devons lui faire confiance . Et c'est ce qui peut rendre l'ouverture féconde. Il s'agira de laisser le corps répondre. Ou de laisser d'autres corps répondre à notre corps.
Une définition qui dit du corps qu'il nous apprend à devenir sensible, c'est une définition qui déplace, délègue et convoque la confiance. Je la retrouve par exemple lorsque Philippe Pignarre, l'historien du médicament, dit que si nous voulons comprendre l'effet placebo, nous devrions peut-être le renommer, et l'appeler « substance inerte », car le terme, trop chargé de psychologie (notamment parce que nous le renvoyons à l'influence) nous oblige à gommer le corps. Ce qui rejoint certaines des intuitions de l'homéopathie. Ce que l'effet placebo occulte, et c'est pour cela qu'il propose de remplacer le terme de placebo par celui de substance inerte, c'est le fait que le corps puisse lui-même mettre en place les ressources pour guérir. Le placebo convoquerait peut-être ces ressources, il donnerait un coup de main à cette capacité du corps à guérir, comme on pense que le font les antibiotiques, ou encore peut-être même que la substance inerte réveillerait une mémoire d'un médicament pris autrefois, ou enfin, hypothèse toujours plausible, le placebo ne ferait rien du tout et le corps guérirait son petit bonhomme de chemin, mais c'est au placebo qu'on attribuera, à tort, une guérison que le corps a mis spontanément en place. Ce que Pignarre propose se fonde sur un mode particulier d'existence du corps, qui rejoint ce que j'essaie de mettre à l'épreuve, et qui se dessine progressivement : on ne peut le comprendre, on ne peut comprendre ce mode d'existence si on ne trouve pas son lieu propre, le lieu propre du corps que j'appellerais, en souvenir de l'écrivain de la fin du 18e, Heinrich von Kleist, son centre de gravité, et qui n'est pas la psyché. Il s'agit de retrouver, pour le corps, son mode de rendre sensible, son régime de confiance, son lieu d'excellence. Ma référence à von Kleist n'a rien d'innocent : dans son court essai sur le théâtre de marionnettes, il raconte sa rencontre avec un danseur de l'opéra qui lui explique que seules les marionnettes sont capables de convoquer la grâce, le mouvement dans sa pure intelligence. Et ceci, explique le danseur (et il connaît son affaire) pour la simple raison que chez les danseurs humains l'âme se trouve toujours à un autre endroit que le centre de gravité du mouvement. Ainsi, conclut le danseur, les marionnettes se soumettent-elles à la seule loi de la pesanteur. Ce que Pignarre nous propose, en somme, rejoint le chemin que j'ai tracé jusqu'ici, et qui nous fait retrouver Spinoza, le philosophe qui ouvrait mon parcours avec cette affirmation : « Personne n'a déterminé encore ce dont le corps est capable » . Car Spinoza ajoute : « D'où suit que, quand les hommes disent que telle ou telle action du Corps naît de l'Esprit, qui a un empire sur le Corps, ils ne savent pas ce qu'ils disent, et ils ne font qu'avouer, en termes spécieux, qu'ils ignorent sans l'admirer la vraie cause de cette action. »13 La possibilité du corps de nous rendre sensible, la confiance que cela requiert, et la nécessité de trouver son ontologie propre, son mode d'existence sans le subordonner aux processus psychiques devient particulièrement lisible lorsqu'on s'intéresse aux rapports entre les hommes et les animaux, ou entre certains humains et certains animaux. Qu'on ne se méprenne pas : il ne s'agit pas de proposer une théorie naturaliste ou plutôt vaguement romantique qui nous mènerait à penser que nous retrouverions, avec les animaux, un paradis perdu, où les corps, enfin débarrassés de tout l'attirail de la société et de la culture, pourraient vraiment se retrouver. C'est tout le contraire. Ce rapport, qui ressemble à un véritable lâcher prise, ce rapport qui convoque certaines formes de 13 (Éthique, IIIe partie, Proposition II).
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grâce, ce rapport qui rend le corps à son lieu d'intelligence, n'existe que parce qu'il est construit, mis à l'épreuve, travaillé. C'est un rapport d'agencements. Et les agencements n'existent qu'à se fabriquer. Cela demande du travail et du temps un agencement. Je pourrais vous citer de multiples exemples, comme ceux que racontent les observateurs d'animaux apprenant à « laisser faire le corps », à perdre la maîtrise sans perdre le contrôle, ou encore comme ceux que racontent encore les pêcheurs à la ligne ou les chasseurs : à se laisser traverser, voire, et je détourne ici une expression de la philosophe Judith Schlanger, à « penser le corps plein ». Nous sommes en fin de journée, vous êtes sans doute bien fatigués, il serait sans doute un peu inconséquent de ma part de ne pas tenir compte de vos corps dans un colloque qui justement nous invite à y faire attention. Je vais donc terminer par une histoire, une histoire qui retisse, mais sans les spéculer —c'est une histoire — les petits bouts de fils que j'ai à moitié tissés avec vous : la question de la confiance dans le corps comme obligation pour trouver son mode propre d'intelligence, la question de la grâce et du lâcher prise, la question de penser le corps plein, en somme, la question du mode d'existence qui soit propre au corps. Cette histoire met en scène un cheval, Hans, depuis lors appelé Hans le malin. Il a vécu à Berlin, et son histroire est devenue publique en 1904. Très publique, puisque Hans, prétendait son maître, savait compter, en tapant le nombre avec son sabot, extraire des racines carrées, reconnaître la couleur d'un chiffon parmi d'autres, qu'il allait chercher, discriminer une fausse note et épeler les lettres d'un mot, toujours avec son sabot. La psychologie s'en est mêlée, parce que personne n'arrivait à trouver comment le cheval s'y prenait. On avait pensé que le maître lui envoyait des signaux : ce n'était pas le cas, Hans répondait aux questions des psychologues en l'absence de son maître. Le psychologue qui se charge de travailler avec le cheval, Oskar Pfungst, va partir d'une hypothèse. Le cheval doit savoir quand il doit commencer et quand il doit s'arrêter parce qu'il lirait des signaux que les corps des questionneurs lui envoient, sans s'en rendre compte, des signaux tellement subtils que personne, même pas le questionneur, ne s'en rend compte. Voilà pourquoi Hans m'intéresse. Hans a fait découvrir aux humains un répertoire inconnu de gestes, de sensations, de comportements qu'ils ignoraient. Hans a permis aux humains de comprendre mieux leurs corps. Hans, surtout, a parfaitement accompli un des sens de la définition de James : le corps, c'est ce qui nous rend sensible. Pfungst commence son travail par le fait de vérifier son hypothèse : si le questionneur pose à Hans une question sans en connaître la réponse, et si ce sont des signaux qui guident le cheval, en leur absence, Hans devrait ne pas pouvoir répondre, puisque son questionneur ne pourra pas le guider à son propre insu. Aussitôt dit, aussitôt fait : Mr Von Osten pose une question à l'oreille de Hans et puis sort. Un certain Mr Schillings, ami du cheval et de son maître, entre par une autre porte, et demande à Hans : « quel est le nombre que t'a dit Mr. Von Osten ? ». Hans ne peut plus répondre correctement. Puisque nous ne pouvons percevoir ces signaux, bien que nous ayons maintenant la preuve de leur existence, il faut à présent trouver un moyen de les déceler, et c'est sur Hans qu'il faut compter puisque lui peut percevoir ce que nous, humains, n'arrivons pas à percevoir. Il faut découvrir ce que le corps peut faire qu'on ne remarque pas mais que le cheval perçoit. Car la réussite du cheval tient bien en ceci : réussite est fondée sur le pouvoir de rendre lisible l'efficace inconnu des corps. Comment le corps donne-t-il les indices sur lesquels Hans se fonde ? L'observation de Mr. Von Osten ne donne rien. Mais en comparant Mr. Schillings, le Comte Matuschka, le Comte Zu Castell et Mr Hahn, qui sont tous venus aider le psychologue, Pfungst se rend compte qu'ils présentent tous, juste après avoir posé la question au cheval, le même minuscule mouvement : ils penchent très légèrement la tête et le tronc vers l'avant. Et lorsque ce mouvement est accompli, le cheval entreprend son travail de décompte. Parallèlement, lorsque le cheval arrive à ce qui devrait être le dernier coup de sabot, Pfungst observe chez le questionneur un mouvement, encore plus minuscule
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que le premier, de léger recul de la tête, qui reprendra sa position initiale après le dernier coup. Ce sont les mouvements de l'attention et de la tension, tendre vers, être tendu, tous les termes convergent : chacun des corps humains traduit le désir de réussite du cheval, et sans s'en rendre compte, accompagne, guide, soutient cette réussite. Sans s'en rendre compte ! Hans a donc rendu plus lisible la capacité de nos corps de traduire des affects en mouvements. Mais il me faut insister sur cette autre ressource de l'expérience : non seulement, Hans rend lisible ce que les corps font à notre insu, mais il agit sur ces corps. Il induit des transformations : il fait faire des choses aux humains, toujours à leur insu ! Certains gestes faits par les questionneurs (notamment ceux qui appellent la réponse zéro) sont en fait des gestes que le cheval leur a appris, toujours sans qu'ils s'en rendent compte, ce ne sont pas les gestes qu'ils feraient spontanément à leur insu. En outre, on constate que certains questionneurs deviennent, encore et toujours sans s'en rendre compte, de plus en plus fiables pour le cheval, qui lui-même améliore ses compétences au fur et à mesure des rencontres. Comment le comprendre si ce n'est en postulant que les corps des questionneurs, à leur insu, ont appris à devenir plus sensibles et à rendre le cheval plus sensible à leur corps ? Alors, on parle de l'intelligence de quel corps ? Celle du cheval, intelligence de son corps à lire le corps des humains ? Ou encore, toujours celle du corps du cheval, mais cette fois à guider les humains vers des gestes différents ? Celle des corps humains devenant de plus en plus sensibles, de plus en plus lisibles ? Ici encore, on n'est pas obligé de choisir. Plus on avance, plus le cheval est doué pour lire les corps, et plus les corps deviennent compétents à produire des signes pertinents, toujours imperceptibles pour nous : mieux même, de plus en plus imperceptibles pour nous ! Qui influence qui ? Qui donne les indices à l'autre ? Le corps a pris la relève, le centre de gravité est devenu celui du désir, celui de l'âme du désir, les registres de la passivité et de l'activité sont résolument brouillés : qui du corps du cheval ou du corps de l'humain fait faire quelque chose à l'autre ? Si vous demandiez au marionnettiste de vous répondre, il vous répondrait certainement que, comme avec ses marionnettes, ce sont des catégories qui ne valent plus : mes marionnettes me font faire comme je leur fais faire. Et si vous demandiez à un bon cavalier, qui du cheval ou de l'humain guide l'autre vers l'obstacle et donne le bon élan, il vous répondrait de même, en utilisant ce joli mot d'isopraxie : les corps sont si bien agencés qu'ils trouvent et cherchent à tout moment l'équilibre à deux, le centre de gravité n'est plus chez l'homme et plus chez le cheval ; il est dans l'agencement des deux corps qui se répondent et qui s'accordent. C'est là la grâce, l'état de grâce. Qui transforme et qui est transformé ? Les corps ont trouvé leur lieu d'agencements, autant de lieux d'intelligences partagées. Et les termes qui décrivent au mieux ces agencements, les termes de confiance, de grâce, d'accords et de centres de gravité qui se déplacent d'un corps à l'autre, touchent bien plutôt aux domaines de la morale et de l'esthétique qu'à ceux de la psychologie, science des psychés. Car c'est bien ce à quoi, je pense, les corps nous convoquent et convoquent la psychologie aux limites les plus riches et les plus risquées de son domaine : à la grâce d'un répertoire nouveau de sensibilités.
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Source: http://www.parole.be/actes/soigne_mon_corps_%202008.pdf
Vol. 14, No. 2 Newsletter of the World Association for Infant Mental Health April - June 2006 Watch, Wait, and Wonder: An Infant-Led Approach to Infant-Parent Psychotherapy who are worried about their infants greatest concern, the actual focus of Nancy J. Cohen, Mirek Lojkasek, & and their relationships with them treatment is on the parents or other
La publication N° 39 Dans cette étude 39, sur le tableau sur la page 25 du rapport de la HAS, le traitement a été réalisé avec un mélange : « de Procaïne+Lécithine+ extrait artichaut +Aminophylline et Silicium ». La lécithine se nomme autrement Phosphatidylcholine. Par conséquent, cette étude ne peut absolument pas se figurer dans cette partie stipulée : IV. MESOTHERAPIE (MELANGES AUTRES QUE PCC/DC). PCC est tout simplement l'abréviation de Phosphatidyl choline. Cet article présente alors une erreur grave dans le choix des études sur la mésothérapie.